Sur la plage de galets, se détachant de l’ombre des cargos rassurants, de ces monstres toujours dérivants, se traîne une figure déchue. Son errance résonne à chaque coup de couronne sur les pierres graves. L’aînée des neuf sœurs se désole de la perte de son héraut, elle pleure et lui revient une matinée dorée. L’heure d’annoncer la victoire future, les lauriers de la renommée tressés. Après tant de pays, tant d’épopées, Calliope, toujours étincelante, illuminerait le monde d’une nouvelle gloire. C’était lui qu’elle avait ceint de la lourde tâche, l’homme que les siècles devront lire, armés d’espoir. Son fils prodige, la Muse l’avait enfanté avec la Modernité, homme avare s’emparant tôt ou tard du profit de ses placements. Ce fut un véritable rapt, Émile emporté d’une mort de Fer, et ses tournures sabines…
Les vagues consolent la Reine, leurs échos répondent à sa sainte adresse. Et de sa main parcourue de veines bleues, elle lit le récit léger et troublant de Kate Milie, parcours sinueux comme le fleuve que la mer, devant elle, garde en elle. Sa lente déploration royale vogue sur l’Océan, et je l’entends chercher l’auteur, emporté, des Belgiades…
Autrice de Émile Verhaeren : balades dans les pas du poète (L'Article n°20)
Dans son magistral travail consacré à la question des nouvelles formes d’engagement littéraire dans la génération d’écrivains belges francophones nés dans les années 1970, la chercheuse Marie Giraud-Claude-Lafontaine repense à nouveaux frais les questions complexes d’engagement en littérature, de fiction critique, de pouvoir de la littérature dans le champ politico-social. Remarquable à plus d’un titre, consacré aux œuvres de Thomas Gunzig, Charly Delwart et Kenan Görgun, l’essai circonscrit préalablement le champ de son étude en émancipant la notion (éminemment plurielle, multiple) d’engagement de sa capture sartrienne, en problématisant la politique de la littérature dans sa spécificité belge. Rendant hommage aux travaux de Marc Quaghebeur, Jean-Marie Klinkenberg, Paul Aron, Benoît Denis…, se penchant sur la singularité du paysage belge et son contexte social, Marie Giraud-Claude-Lafontaine affronte la question de la pertinence de la notion d’engagement en littérature en renvoyant dos à dos deux positions prévalentes : d’une part, celle qui affirme qu’a priori, en soi, par le fait de son exercice et de sa production, toute œuvre littéraire est ipso facto engagée, d’autre part, celle qui soutient qu’aucune œuvre n’est engagée, que sa saisie par les effets réels qu’elle exerce sur le monde rate l’autonomie d’un champ littéraire affranchi d’une réduction à son contexte.À l’ère postmoderne de la fin des métarécits (Lyotard), des grands récits d’émancipation, comment les trois écrivains choisis traduisent-ils une vision du monde, convoquent-ils les problèmes de l’époque, se positionnent-ils face aux urgences sociétales, se branchent-ils sur le collectif ? Les représentations conscientes et inconscientes de ce que signifie la littérature, qui sous-tendent les corpus de Thomas Gunzig, Charly Delwart et Kenan Görgun font l’objet d’un discours métacritique porté par des outils conceptuels qui ne cessent de se réélaborer, de se dynamiser. L’épineuse question de l’intentionnalité littéraire (à la fois celle de l’auteur et celle de son texte) se heurte à une possible objection : l’intentionnalité et plus encore la stratégie littéraire ne sont-elles pas construites du dehors, a posteriori, par le discours critique qui impute au dispositif « auteur/ses textes » un positionnement éclairé, une politique de la forme et du contenu qui, sans être absents de leur imaginaire, de leurs visées, se voient débordés par la pulsion scripturale ?Comment, au travers notamment d’ Anatolia Rhapsody , du Second Disciple, d’ Oublie que je t’ai tuée dans le chef de Kenan Görgun, de Mort d’un parfait bilingue, Manuel de survie à l’usage des incapables, de Rocky, dernier rivage en ce qui concerne Thomas Gunzig, de Chut, Databiographie, Que ferais-je à ma place ? de Charly Delwart, ces trois auteurs habitent-ils le monde, agissent-ils sur lui au travers de leurs écrits ? De la dénonciation de la société actuelle, de l’affirmation de l’individualité face au chaos, des personnages en quête d’émancipation chez Thomas Gunzig, de la pensée de la résistance, de la contestation des mécanismes de la domination, des personnages vecteurs de changements internes et externes chez Kenan Görgun à « l’éthique de l’oblique », à la question de la communauté, au tracer de chemins de traverse à l’ère néolibérale chez Charly Delwart, l’essai s’avance avec finesse dans les manières dont s’articulent la fiction et l’état de choses. Véronique Bergen Enrichissant les principes d’analyse textuelle établis…
Boire et manger avec Baudelaire, Verlaine et Rimbaud
Charles Baudelaire, Paul Verlaine et Arhur Rimbaud font sans cesse l’objet de publications en tout genre, preuves de la place importante qu’ils occupent au sein de l’histoire de la littérature. Mais les choses de la table dans leur vie et dans leurs œuvres n’ont guère été abordées. C’est le propos de ce petit livre, à la fois érudit…
Relire La Légende d’Ulenspiegel
Durant toute l’année 2017, le sesquicentenaire de La Légende d’Ulenspiegel fut salué par bon nombre de publications d’importance, au premier rang desquelles l’édition…