La maison de papier

RÉSUMÉ

Ce livre est donc un tableau de l’existence quotidienne dans un ménage d’artistes. Le mari est peintre, la femme est écrivain et lectrice dans une maison d’édition. Ils ont deux garçons et deux filles. Des  » employées de maison  » se succèdent. Beaucoup d’amis – ceux des enfants aussi bien que des parents – vont et viennent, certains que l’on invite et d’autres que l’on accepte. Il y a aussi les visiteurs imprévus, quelques voisins. N’oublions pas les animaux : chien, chat, pigeon, merle, poisson rouge. Cela fait déjà beaucoup de monde, mais Françoise Mallet-Joris ajoute les personnages qu’elle voit régulièrement au-dehors, comme Mme Josette, la déconcertante coiffeuse rationaliste.

Les enfants tiennent la première place. L’auteur utilise le dialogue comme moyen d’éducation, et elle avoue trouver là le moyen de clarifier ses propres idées sur les grands problèmes de base. La vie professionnelle n’est pas oubliée, ni les préoccupations religieuses et sociales, qui transforment peu à peu ce livre en une critique des moeurs actuelles et, mieux encore, en une enquête sur la justice et la vérité, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, le bonheur et la joie. On ne verse jamais dans l’abstraction : tout repose sur des expériences directes.

Beaucoup de lecteurs, sans doute, auront l’impression de se trouver chez eux dans  » la maison de papier « , comme s’ils faisaient partie de cette famille. C’est que Françoise Mallet-Joris a le don de préserver, avec une sincérité jamais en défaut, le frémissement de ses émotions, de ses doutes, la fraîcheur de ses étonnements, l’ironie du regard qu’elle pose sur ses semblables, aussi bien que la gravité de sa foi. Rare talent qui sait traduire, sans avoir l’air d’y toucher, le naturel de la vie.

À PROPOS DE L'AUTRICE
Françoise Mallet-Joris

Autrice de La maison de papier

Françoise Lilar naît à Anvers le 6 juillet 1930. Fille d'Albert et de Suzanne Lilar, tous deux avocats, elle passe la plus grande partie de son enfance dans la belle maison bourgeoise de la rue Jordaens. Des parents prestigieux (Albert Lilar, futur ministre, et Suzanne dont la carrière littéraire va commencer), une société choisie, un rendez-vous d'artistes, tout cela amène naturellement la jeune Françoise vers les lettres : son premier recueil paraît lorsqu'elle a dix-sept ans. Précoce en tout, avide de vivre, elle part aux États-Unis, s'y marie et a un enfant. Elle rentre à Paris et adopte le pseudonyme de Françoise Mallet-Joris pour publier, en 1951, Le Rempart des béguines qui met en scène une jeune fille révoltée par un milieu bourgeois – et anversois – vivant avec la maîtresse de son père une aventure passionnée. Le thème de ce livre et la jeunesse de son auteur expliquent l'impact du roman et son effet de scandale. Le succès se confirme avec La Chambre rouge (1955). Mais très vite s'affirme le besoin pour Françoise Mallet-Joris de surprendre le lecteur et, peut-être, de se surprendre elle-même en sortant de ses tout jeunes sentiers battus : en 1958 L'Empire céleste (couronné par le Fémina qui avait dédaigné en 1956 Les Mensonges) présente un milieu clos où évoluent des personnages que le destin a réunis par hasard, déjà une sorte de clin d'œil de l'ange. Le Nouveau Roman fascine les milieux littéraires parisiens, Françoise Mallet-Joris aborde dans la Lettre à moi-même le problème de la nouveauté des formes et des styles Je ne l'aime que traduisant une impérieuse exigence de l'âme. Elle se tiendra donc à l'écart des expériences sclérosantes. Dans cette Lettre, elle affine son regard sur les autres et sur elle-même et y trouve le ton à la fois lucide et plein d'humour qui sera certainement une de ses marques. La Maison de papier remportera, en 1970, un énorme succès, le lecteur y découvrira, comme par strates, au-delà d'un monde familier, l'alchimie d'une vie de femme, exemplaire de bien d'autres : Françoise Mallet-Joris s'y montre dans ses préoccupations quotidiennes, dans ses soucis de mère, mais aussi dans son cheminement d'écrivain. Ce livre apparaîtra à beaucoup comme une bouffée d'air frais et comme un retour à la réalité. Dans la même veine, on peut citer Allégra (1976), Dickie-roi (1980), Le Rire de Laura (1985), Divine (1991). Que ce soit Allégra, jeune femme solitaire au sein d'une famille fantasque qui trouve paradoxalement dans un petit Arabe muet son seul interlocuteur; Jeanne qui, voulant changer son apparence, se rend compte trop tard qu'elle s'y perd; Laura entamant avec son fils le difficile chemin qui le sortira peut-être de la drogue, ou Dickie égaré dans le monde du spectacle, tous, à leur manière, traduisent une réalité, la réalité de notre monde qui se cherche. Mais Françoise Mallet-Joris est bien autre chose que ce que les manuels de littérature nomment l'écrivain témoin de son temps, elle qui a déclaré dans son discours de réception à l'Académie : «Je voudrais que l'on pût écrire des deux mains et que chacune écrivît le contraire de l'autre.» Elle a très vite manifesté un goût prononcé pour l'histoire, soit réelle, soit reconstruite : Marie Mancini (1964), Les Âges de la nuit (1968), Les Larmes (1993), l'histoire non pas comme une évasion mais comme la rencontre d'âmes, de très belles figures de femmes surtout. Le dernier roman Les Larmes peut apparaître comme une sorte de résumé emblématique de toute l'œuvre : on y retrouve, peinte avec une minutie de dentellière, la description de la technique peu connue de la céroplastie, destinée au début du XVIIIe siècle aux cabinets d'amateurs. Le chef-d'œuvre de Catherine est un buste de femme présentant un profil parfait et l'autre écorché pour leçon d'anatomie. Cette Néfertiti du temps de la Régence ne symbolise-t-elle pas l'ambition de tout artiste : montrer à la fois l'assemblage des tissus, le circuit des veines, les glandes, les nerfs et, tout à côté, la surface mœlleuse d'un beau visage de femme? Dire l'individu, n'est-ce pas tout cela et le travail de la petite Catherine, au terme de sa lente initiation au difficile métier qui est le sien, représente un peu le défi que se lance tout écrivain qui tente de rendre l'être entier qu'il veut dépeindre. Dans ce roman baroque, Françoise Mallet-Joris retisse un des fils de la littérature belge, cette complémentarité de la laideur et de la beauté, cette belle horreur chère à Crommelynck ou à Ghelderode. Ce qui frappe aussi, c'est l'intense créativité. Alors que certains remâchent désespérément le même sujet, habillent leurs vieux fantasmes d'oripeaux à la mode, Françoise Mallet-Joris s'offre le luxe de gaspiller des idées, d'aborder à peine certains personnages. Combien de silhouettes tout juste ébauchées qui eussent été d'extraordinaires héros de roman? Mais l'écrivain taille en pleine étoffe… personnages réels entrevus dans la réalité, personnages synthétiques à la Balzac, personnages nés de son propre théâtre d'ombres, qui le sait et est-ce bien là la question? De plus, elle qui dit faire de la littérature comme on fait un soulier a su éviter l'écueil de la redite, du sujet prolongé. Au bilan donc, une œuvre touffue, foisonnante, sans cesse renouvelée, traversée, comme certains tableaux anciens, par un éclair, une recherche de mysticisme, ce rayon qui frappe de plein fouet Madame Guyon, mais aussi peut-être Allégra, Laura, Divine ou Adriana… La curiosité de Françoise Mallet-Joris l'amènera à s'intéresser aussi à la chanson : elle sera la parolière de Marie-Paule Belle, montrant par là que rien dans le langage n'est anodin. Dès 1970 elle entre à l'Académie Goncourt et, le 9 octobre 1993, ayant la double nationalité, elle est élue (réalisant par là un des désirs les plus profonds de Suzanne Lilar) au fauteuil de celle qu'elle n'a jamais cessé d'appeler sa maman. Son discours de réception à l'Académie de langue et de littérature françaises de Belgique lui donnera l'occasion d'un retour aux sources, lui permettra de dire tout ce qu'elle doit à la Belgique et l'importance de ses racines, mais surtout on y trouvera l'expression de la dette d'une fille à sa mère, dette intellectuelle d'abord, mais surtout dette affective. Françoise Mallet-Joris est morte le 13 août 2016.

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