Suicide, assassinat, mort accidentelle ? Les circonstances de la mort de Véronique Verbruggen sur un sentier des Cévennes n’auraient pas valu plus de quelques lignes dans la presse si la victime n’avait pas été une éditrice reconnue. Deux hommes s’interrogent et partagent un même chagrin : Daniel Meyer, son mari, ophtalmologue, et Titus Séguier, son amant, cinéaste qui jusqu’au bout aura attendu qu’elle vienne partager sa vie.
Pour Daniel, rien n’est jamais venu troubler les vingt ans de vie commune avec sa femme, qu’il aime indéfectiblement. Quant à Titus, dépossédé de son amour, il hésite entre se taire par respect des convenances ou élever à Véronique un « testament amoureux » cinématographique, en poursuivant le projet entamé avec elle avant sa disparition.
Il y a aussi Mina, la fille de Véronique, vingt et un ans, née d’un premier amour. Trop de sous-entendus, d’indices qui ne trouvent pas leur place dans le puzzle familial… Qui était cette mère dont les tourments se lisaient en filigrane ? Demander des éclaircissements à son beau-père serait si douloureux pour Daniel… Alors Mina remonte la trace de Titus Séguier. Elle découvre la complexité d’une mère écartelée, celle des sentiments, et comprend qu’on ne connait jamais tout à fait cet autre qui nous semblait si proche.
Derrière le vernis des apparences, le portrait bouleversant d’une femme qui ne pouvait pas choisir. Nathalie Skowronek dit avec une grande subtilité les différentes facettes de l’amour et comment si les époques changent, les écartèlements du cœur demeurent.
Auteur de La carte des regrets
Nathalie SKOWRONEK, La carte des regrets, Grasset, 2020, 144 p., 16 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 978-2-246-82151-9 Dans ses romans précédents, Nathalie Skowronek explorait l’histoire de sa famille, à la recherche de ce qui pourrait expliquer ces destins singuliers.Lire aussi : Nathalie Skowronek, une identité à travers les conflits (C.I. 199)La carte des regrets représente un tournant et une nouvelle voie. Ici, point d’histoire personnelle mais la création d’une fiction où l’on retrouve cependant l’idée qui traversait les autres livres et singulièrement Max, en apparence : quelle est la part de mystère de quelqu’un que l’on croit connaître ?Véronique Verbruggen est trouvée morte sur un sentier des Cévennes.…
Thierry BELLEFROID , Comès. D’Ombre et de Silence , Casterman, 2020, 145 p., 29 € / ePub : 19.99 € , ISBN : 978-2-203-18379-7Corbeaux, chouettes, chats, homme-cerf, paysages enneigés, personnages marginaux anguleux, rites d’initiation, génie du silence graphique mettant en scène la Bataille des Ardennes, les sombres conflits entre villageois, la mise à mort des êtres différents… Quarante ans après la parution de l’album Silence , le chef-d’œuvre de Comès , à l’occasion de la souveraine exposition Comès au musée BELvue à Bruxelles dont il est le co-commissaire avec Éric Dubois, Thierry Bellefroid consacre un essai magistral à ce créateur hors norme décédé en 2013. Que l’œuvre de Dieter Comès né en 1942 à Sourbrodt dans les cantons de l’Est se doive d’être lue à partir de l’existence de ce maître absolu de la bande dessinée belge, Thierry Bellefroid le déploie avec passion et finesse. Au fil des pages rythmées par les dessins de Comès, l’ouvrage nous immerge dans un univers hanté par le non-dit, les forces invisibles, le surnaturel, la magie des forêts, le climat fantastique. Du Dieu vivant (1974) au Dix de der (2006) , Comès créera onze albums évoluant d’un style virtuose, en phase avec les couleurs psychédéliques des seventies, proche de Philippe Druillet, à la décantation de formes menant de l’archipel de la couleur à l’alchimie du noir et blanc dont Comès est l’un des sorciers incontestés. Après les femmes-fleurs, les hommes-papillons, les voyages galactiques d’un space opera initiatique truffé de références cabalistiques, Comès qui fut aussi musicien de jazz, percussionniste, emprunte un premier tournant esthétique avec L’ombre du corbeau qui évoque, comme il le fera dans son dernier album Dix de der , la guerre 14-18 qui fit rage dans les Ardennes. Sous l’influence d’Hugo Pratt avec qui il nouera une fidèle amitié, son style s’épure. Après Tardi, il raconte les tranchées, la boucherie du front. Dans un climat fantastique, confronté à des incarnations de la mort, un soldat allemand erre dans les limbes. Comès y tente une nouvelle grammaire, s’accommodant une fois de plus de la contrainte de la couleur mais décidant d’innover ailleurs, dans la mise en scène, dans l’architecture de la page, dans la rythmique .Thierry Bellefroid analyse la nature du virage, expose l’importation de la grammaire du cinéma dans la bande dessinée (panoramique, zoom avant, zoom arrière…), la synthèse des arts que produit l’artiste. Comès allie les instruments du cinéma à la narration graphique, mais, par-dessus tout, il explore les vertus du silence, ce silence des planches avec cases muettes qui l’a fasciné chez Hugo Pratt, ce passage à l’Œuvre au noir et au blanc qui renvoie au silence de son enfance marquée par la guerre, au père germanophone enrôlé dans l’armée allemande, à son mutisme lors de son retour du front russe. Coup de maître en 1980 avec Silence , une fable poétique sur fond de paysages ardennais, autour de Silence, un jeune homme à part, muet, déclaré attardé, au regard reptilien, proche des animaux qu’il magnétise, en butte à la méchanceté d’Abel Mauvy qui l’exploite. Amour interdit avec la sorcière, violence des villageois à l’égard de ceux qui sont différents — Silence, les gitans, les nains… —, arcanes révélant les voies de passage entre la vie et la mort… Silence, l’exclu du langage, soulève une œuvre qui explore des formes d’échange non verbales, mystiques, animistes.L’empreinte du mystère, des dissociations de la personnalité, de notre part sauvage muselée par la société, des fantasmes, de l’onirisme domine La belette , le thriller psychologique Eva sur lequel planent les ombres de Hitchcock, de Klaus Nomi, L’arbre-cœur soulevé par des audaces graphiques qui réinventent le style… Comès ne nous parle pas de sorcellerie, d’envoûtements, de magie noire dans des campagnes reculées : magicien, il accomplit graphiquement des rites incantatoires, des sortilèges, s’attachant à des êtres en marge du système, plus proches du monde animal, végétal, minéral que de la société des humains qui les rejette.Magnifique voyage dans l’univers de Comès, Comès. D’Ombre et de Silence convoque aussi les témoignages de personnes qui l’ont connu, Hugues Hausman, François Schuiten, Benoît Peeters, Didier Platteau, Micheline Garsou, Christophe Chabouté… Le livre refermé, on rêve que, sept ans après la mort de Comès, le scénario de La maison où rêvent les arbres se concrétise : « Un jour, les arbres se révoltent contre l’homme et leurs rêves engendrent des ptérodactyles, des crocodiles, qui agressent l’homme parce qu’il a rejeté la communion qui le liait à la nature, l’homme a rejeté la mémoire du bois. Les livres commencent à rejeter l’encre ».À l’occasion de l’exposition Comès. D’Ombre et de Silence au musée BELvue (jusqu’au 3 janvier 2021, Fonds Comès de la Fondation Roi Baudouin), Casterman publie Ergün l’errant (réunissant ses deux premiers albums Le dieu vivant et Le maître des ténèbres ), Comès, les romans noir et blanc, 1976-1984, Comès, les romans noir et blanc, 1987-2006. Véronique Bergen Lire Silence ou La Belette, c'est entrer dans un monde où l'on sent qu'auteur et création se confondent. Un monde dont le silence lui-même est une composante essentielle. Comprendre la personnalité de Comès, comprendre d'où il vient, aide à comprendre son art. En suivant cette intuition, Thierry Bellefroid a rencontré les témoins de l'éclosion d'un homme et de son oeuvre : amis de longue date, auteurs, éditeurs, musiciens, membres de la fratrie et de la famille, compagnes. Ce livre met en lumière l'aspect intemporel du travail de Comès, son souci de mise en avant des marginaux et ses interrogations existentielles. Le monde rural, la nature et la sorcellerie ne sont toutefois pas occultés. Son meilleur ami Hugo Pratt et ses complices du magazine (À Suivre) - José Muñoz ou François Schuiten -, permettent de comprendre, entre autres,…
Le journal de l'année 2006 de Melitza, une jeune Mexicaine. Il débute le 10 janvier…
Tania
06 février 2023
« Que ceux qui ont connu et aimé Véronique Verbruggen soient les bienvenus. » "La carte des regrets" (2020) de Nathalie Skowronek s’ouvre sur cette invitation à une soirée d’hommage en l’honneur de celle qui dirigeait une petite maison d’édition d’art parisienne. Et sur des questions. Titus Séguier quittera-t-il Finiels (Mont Lozère) pour y aller ? Qu’apprendra-t-on sur la « personnalité secrète » de Véronique, selon les dires de sa complice, Francesca Orsini, une céramiste italienne ? « Que savons-nous de l’existence de ceux qui nous entourent ? »
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