Introduction ( in Dossier L'ULg et sa ville )

Depuis le milieu des années 1990 , partout en Europe, l’université urbaine retrouve des couleurs.
Alors qu’au plus fort des « Trente glorieuses » régnait — presque sans partage — la fascination pour le « modèle du campus » à l’américaine, les attentions se portent aujourd’hui sur l’incroyable richesse que peut constituer un ensemble universitaire d’une taille conséquente au sein d’un « organisme » urbain diversifié.

Cette richesse se décline sur plusieurs registres : économique bien sûr, mais aussi et surtout peut-être, en termes de potentiel d’interactions sociales. Voir naître une université est sans doute une des plus belles choses qui puisse arriver à une ville. Une université, ce sont des milliers d’emplois qualifiés, le dynamisme de la vie étudiante, plus d’ouverture au monde, par la circulation des étudiants et des chercheurs. C’est aussi un pôle intellectuel qui fait contrepoids à l’importance que prend souvent dans…

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Une sobriété créative. Louis Bosny architecte 1924-1983

Durant les années 1920-1930, la région liégeoise ne connait pas ou peu le grand vent de modernité culturelle et artistique qui pénètre les cercles de Bruxelles, Anvers ou Gand, dans le sillage, à la même époque, des pays limitrophes et de leurs capitales. On cite toujours la revue Anthologie (1920-1940) créée par le poète et écrivain Georges Linze (1900-1993), co-fondateur du Groupe d’Art Moderne de Liège, fervent défenseur des techniques nouvelles, de la vitesse et d’une forme particulière de futurisme, qui séduisit quelques artistes liégeois. Mais Linze et ses amis font figure d’exception… avec, certainement, l’architecture, où les influences du modernisme sont davantage présentes. La montée en puissance, au milieu des années 1930, du Parti ouvrier belge (POB), et à Liège, de quelques hommes politiques (comme l’échevin Georges Truffaut), soucieux de transformations urbanistiques et du déploiement économique du bassin industriel, vont avoir une influence grandissante sur les décennies suivantes. Leur terrain d’action ? Ce domaine connexe à la culture, où progrès social et modernité pourront s’associer par des expressions innovantes : le paysage urbain, le développement d’une architecture fonctionnelle et de bien-être, la construction de logements et d’infrastructures communautaires (bains publics, écoles, hôpitaux, cités-jardins…), vaste programme d’initiatives pour la plupart financées par les pouvoirs publics.La fin du conflit en 1945, la nécessité de reconstruire au mieux la métropole secondaire qu’est Liège, le financement du Plan Marshall, vont offrir des possibilités inédites à de nombreux architectes. Certains étaient antérieurement déjà actifs collectivement, comme le groupe L’Équerre (et sa revue publiée de 1928 à 1939). D’autres naissent à partir de projets – tel le groupe EGAU , qui réalisera les tours de la cité de Droixhe entre 1951 et 1971, non sans avoir observé l’Unité d’habitation de Marseille conçue par Le Corbusier et Charlotte Perriand entre 1947 et 1952. Dans le même temps, des individualités aujourd’hui largement reconnues vont émerger, comme les frères Moutschen, Georges Dedoyard, Claude Strebelle, Lucien Kroll, Charles Vandenhove…Grâce à l’ouvrage monographique, riche en recherche d’archives, documents, photos  et nombreux témoignages, recueillis et analysés par Jean-Michel Degraeve – lui-même architecte-urbaniste et conseil, notamment au sein de sociétés publiques de logement social en Wallonie –, un nom peu connu jusqu’ici sort de l’oubli, celui de l’architecte Louis Bosny . Né en 1924 à Liège dans une famille socialiste, étudiant dissipé à l’Académie des Beaux-Arts, il quitte la Belgique en 1939, et se retrouve durement interné en Espagne. Après moult péripéties, il rejoint le Congo et s’engage, d’abord au sein des troupes coloniales belges en Afrique, puis au sein des forces spéciales britanniques. Démobilisé en 1945, à 21 ans, Bosny entreprend des études d’architecture à Liège, et va réussir brillamment et en un temps record son cursus. Architecte indépendant dès 1949, il va ensuite être intégré, avec d’autres, au développement des constructions de logements sociaux, à Liège et dans sa proche périphérie industrielle. Aperçu rapide et partiel : à 30 ans, Bosny reçoit la conception d’un projet de 36 appartements, dans un nouveau quartier social à Flémalle-Grande, en parallèle au plan de développement urbain réalisé par le groupe L’Équerre. Un second chantier de 42 appartements lui est attribué et inauguré en 1958, suivi la même année d’un nouveau complexe de 62 appartements avec salle communautaire. Plus tard, il interviendra de même sur la commune d’Ans.Dans ces mêmes années, l’université de Liège et son recteur Marcel Dubuisson font appel à de jeunes architectes, dont Louis Bosny, pour la construction d’un premier home universitaire au boulevard d’Avroy. Face à l’augmentation du nombre d’étudiants, l’université déborde du centre-ville et s’étend sur les hauteurs du Sart-Tilman. Bosny est sollicité, avec moins de succès. Mais il déploie alors son activité sur un autre site de l’université, celui de l’hôpital de Bavière, un bâtiment vieillissant du 19e siècle, dont il participe à la rénovation et l’extension de divers pavillons de soins. Les projets de Bosny bénéficient le plus souvent, et jusqu’aux années 1980, des politiques locales d’investissement en logements sociaux, mais qui, la crise économique frappant, vont se raréfier. La rationalité d’espaces communautaires et les codes du fonctionnalisme tendent néanmoins, malgré des budgets parfois fort contraints, vers une vision idéale, positive et généreuse, du « mieux-vivre » ensemble des populations ouvrières et de la petite classe moyenne. Bosny réalise également des habitations privées, travaillant d’arrache-pied, souvent en indépendant, mais aussi associé à Hubert Châtelain, architecte complice… et pianiste de jazz sur la scène liégeoise. La renommée de Bosny n’égala jamais celle d’un Claude Strebelle ou d’un Charles Vandenhove. Il resta un architecte « de l’ombre », éloigné du tape-à-l’œil, et fidèle à ses convictions sociales, travailler pour le bien-être des collectivités. En témoignent ses réalisations de qualité et en grand nombre, qui ont participé au redéploiement urbanistique et social de toute une région. S’ouvrant aux multiples facettes de la personnalité de Bosny, qu’on ne peut résumer ici, le livre de Jean-Michel Degraeve aux éditions Fourre-Tout, dirigées par l’architecte Pierre Hebbelinck, s’accompagne également d’un livret plus modeste. Carmelo Virone , accompagné par d’autres voix – dont celle de Christine Mahy , pour le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté – , y questionne la problématique du logement social dans le contexte restrictif d’aujourd’hui, en s’inspirant de la démarche de Louis Bosny. Deux ouvrages éclairants.…