Auteur de Horizon de la Vigie
Edmond Vandercammen naît à Ohain le 8 janvier 1901, où il vit une enfance campagnarde. À l'école primaire, il fait la connaissance de Robert Goffin et écrit ses premiers vers à l'âge de douze ans. Inscrit à l'École normale de Nivelles en 1916, il y rencontre Élie Willaime. Celui-ci consacrera à Vandercammen une étude parue en 1969, en collaboration avec Fernand Verhesen. Le jeune instituteur est nommé à Ixelles en 1920; il va y devenir professeur de français à l'École professionnelle de commerce. Son implantation à Bruxelles lui permet d'entrer en contact avec les milieux littéraires et de suivre, en qualité d'élève libre, des cours de psychologie et de sociologie à l'Université libre de Bruxelles. Passionné par la peinture, il s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts. Il va produire dans ce domaine une œuvre abondante qui fera l'objet de plusieurs expositions.
En 1923, paraît un premier recueil de poèmes, Hantises et désirs, d'inspiration romantique, que Vandercammen reniera par la suite, allant jusqu'à détruire les exemplaires existants. En 1925, il se marie. Pendant plusieurs années, il s'adonne à la peinture, adhère au groupe 7 Arts. Pierre Bourgeois et Pierre-Louis Flouquet, qui en font partie, deviennent ses amis, comme un peu plus tard Plisnier et Ayguesparse. En 1930, il est cofondateur du Journal des poètes; un certain nombre de ses publications paraîtront sous cette enseigne. L'année suivante, il voyage en Espagne et se prend de passion pour la poésie hispanique, dont il va bientôt entreprendre de multiples traductions.
Dans les tableaux peints à cette époque, l'artiste laisse libre cours à son attirance pour le surréalisme. La même attraction domine le recueil Innocence des solitudes (1931); ce qui l'intéresse dans l'aventure surréaliste, c'est d'abord l'invention verbale. Mais, accroché à la terre, le poète veut tenir compte de la réalité et conserver en permanence le sens de l'humain. La difficulté d'être sera en filigrane de toute sa production ultérieure Dans les textes de ces années-là, Le Sommeil du laboureur (1932), Naissance du sang (1934), Saison du malheur (1935), Tu marches dans ma nuit (1936), Vandercammen est à l'écoute des ses souvenirs, de la nature, mère nourricière, du message de la mort et de la lumière tragique qu'elle projette sur la vie.
Un voyage à Cuba, au Mexique et dans le sud des États-Unis lui donne l'occasion en 1937 de rencontrer des poètes comme Jiménez et d'approfondir l'une de ses passions : la civilisation précolombienne. En 1938, la parution des poèmes d'Océan marque un tournant dans sa production, sous la forme d'un élargissement de son univers personnel. En effet, l'immensité de la mer vient s'ajouter aux racines de la terre. Les liens qui unissent les éléments solides et liquides domineront désormais toutes les rumeurs de sa poésie. Dès 1936, il publie ses traductions. De Manuel Maples Arce à Fernando Paz Castillo, des dizaines de créateurs vont en bénéficier : Aub, Andrade, Brüll, Capasso, Fiumi, Lope de Vega, pour n'en citer que quelques-uns, sans oublier Neruda ou Garcia Lorca.
Pendant la seconde guerre mondiale, Vandercammen refuse de publier. Il souffre du conflit et, dès la fin de celui-ci, il clame dans Grand Combat (1946) son souci de voir un monde plus humain et son espoir que les malheurs endurés soient à l'origine d'un avenir transcendé. On a souligné l'aspect paradoxal de cet ouvrage, parce que la mission du poète y apparaîtrait sous une forme civique. S'il est vrai que le vocabulaire en est épique autant que lyrique, ce recueil montre surtout la capacité du poète à rechercher sa propre vérité. Celle-ci atteindra sa plénitude lorsque Vandercammen se penchera sur les thèmes omniprésents de l'amour et de la mort, mais aussi sur la dimension du temps et de la durée.
De La Nuit fertile (1948) à Faucher plus près du ciel (1954), les quatre recueils de cette période (il faut leur ajouter L'Étoile du berger de 1949 et Porte sans mémoire de 1952) sont de forme classique, en alexandrins bien maîtrisés.
Ayant pris sa retraite en 1949 pour raisons de santé, Vandercammen voyage beaucoup, écrit maints articles, notamment pour Marginales qui lui consacrera un numéro spécial en 1958, et pour des journaux comme Le Soir. Il peint des paysages méditerranéens, continue à traduire des auteurs espagnols, mais aussi des italiens, et écrit des essais (Poésie espagnole d'aujourd'hui avec Fernand Verhesen en 1956, des études fouillées sur les relations entre Charles Van Lerberghe et Max Elskamp en 1962 ou sur Jean De Boschère : L'Obscur et le Paria couronné en 1968). Il est à son tour traduit en espagnol et en italien.
Dans Faucher plus près du ciel, Vandercammen insistait plus que jamais sur la notion de durée. Celle-ci trouve son épanouissement dans les recueils suivants : Les Abeilles de septembre (1959) ou Le Sang partagé (1963). Leur lyrisme plus intime ne masque pas l'angoisse devant la nature ou l'âge qui avance inexorablement. Le poète face au temps est au cour du recueil Le Jour est provisoire (1966). Dans ces pages, comme dans celles des cinq publications des Éditions De Rache parues entre 1970 et 1977 (Horizon de la vigie, Le Chant vulnérable, L'Amour responsable, Étrange durée et Pouvoir de flamme), Vandercammen ouvre son horizon poétique, entame un chant profond fait d'émerveillement devant la vie, dans des rythmes généreux. Dans cet espace de réflexion intime créé par le poète, le langage acquiert un pouvoir essentiel. Dans une connivence de plus en plus grande avec le monde qui l'entoure, le poète se sent responsable d'un message philosophique culminant dans l'amour de l'homme.
Edmond Vandercamen est mort à Uccle le 5 mai 1980. Il avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 8 novembre 1952.