Lire un extrait Le coron de Moretout était bâti à la toupette d'une butte, quatre hectares de terre en plateau, que limitaient un pavé d'État, une drève accédant au village, des sentiers. C'était autour d'une fosse abandonnée, Cent-Piquots, que la gérance de Petites Forbechies, la puissante société minière voisine, avait érigé la bourgade.
Tous semblables, ouvrés de briques, sans badigeon et de pierrailles, pourvus d'un seul étage et d'une toiture de tuiles rouges, avec leurs fenêtres aux vitres encrassées, leurs volets battant les murs, leurs cheminées aux faîtes s'effritant, devant leurs misérables jardinets clos de palissades et de haies, les cinquante habitacles s'épaulaient les uns sur les autres en deux rangées branlantes, sordides, vrais taudis de gueux, suant la détresse des nichées de pâtiras qu'ils abritaient. Par-dessus, l'ancienne houillère, transformée en hôpital, profilait sa massive structure de caserne. Il ne restait que le bâtiment principal, une énorme construction à deux étages, percée de larges baies. Autour, des herbes avaient germé dans les fissures des pavés, toute une parasite floraison qui tapissait de mousse les trottoirs envahis. On avait fait du «dammage» un jardin spacieux, clôturé de massifs d'arbustes, une sorte de verger couvert d'une herbe jaune, poussant mal sur le terrain poussiéreux et planté de malingres pommiers.
Moretout était érigé à l'orée du pays des mines, du côté de lest, et une route d'État le séparait de la plaine agricole. Les campagnes avaient d'abord une fuite brusque, se creusaient en vallonnement pour cacher parmi des saulaies la petite ville de Sainte-Fayan. Par-dessus la ligne ocreuse des terres, deux ou trois toitures rouges, un clocher, quelques cheminées d'usines émergeaient des taches de verdure. Ensuite un coteau s'accentuait et des champs couvraient la montagnette, jalonnées de hameaux, de corons, de censes, coupés de drèves, çà et là, de route et de riviérettes le long de files de peupliers. De grêles ossatures de végétations, des sapinières, tachaient les lavis plus pâles des champs et des prés, vers la cime de la butte ; trois moulins à l'orée de bourgades battaient l'air de leurs bras gourds et des chaumines escaladaient la pente jusqu'à la longue bande sombre des bois, qui barrait le ciel.
Table des matières Préface : Une réécriture de
Germinal Gueule-Rouge, roman naturaliste de murs ouvrières
Bibliographie