Figures détruites

RÉSUMÉ

Préface de Charles BertinÀ propos du livre

Voici l’une des œuvres les plus émouvantes, les plus injustement méconnues et, sans doute, l’une des plus originales de Charles Plisnier. Les visages de femmes qui y apparaissent sont les premiers qu’il rencontre dans le cours de son exploration des passions humaines. L’année 1930, où il les compose, marque le début d’une des périodes…

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Jamais je n'aurais oublié Aimée.

Mais sans doute son image fût demeurée à demi morte et comme embaumée, quelque part entre d'autres souvenirs, si brusquement je ne l'eusse retrouvée tout entière dans cette liasse de feuilles écornées, jaunes par places, toutes couvertes de cette poésie sale que met le temps aux choses délaissées.

En feuilletant ces papiers de maman, je cherchais, oui, des figures anciennes qui me fissent bien souffrir, peut-être quelques fils qui m'eussent ligoté à mon enfance, quelques appels qui m'eussent retenu d'aller plus loin dans ces régions de la vie où les traditions expirent, où les objets cessent d'avoir deux sens et se laissent tout entiers photographier.

Il y aurait eu des lettres de ce cousin qui plantait du café en Inulinde ; des portraits de cette tante morte à vingt ans, vingt ans avant je ne naquisse, et que je chérissait tant à cause de sa robe de mariée, des fleurs de ses cheveux ; des notes écrites par maman en marge de Lamartine qui étaient comme si des larmes achevaient de pâlir là. Je ne m'attendais pas à trouver ce dossier brun sur lequel je lirais : «Miguadeaux contre Ministère Public.»

Mais tout de suite, j'ai reconnu cette chose. Ce n'était pas la première fois que je la découvrais. Et alors Aimée est redevenue présente, pour autant que jamais un tel être puisse être présent.
Table des matières

Préface

Heureux ceux qui rêvent
Une voix d'or
Bonheur de rien
Permis d'inhumer
Ni fleurs ni couronnes

Dates de composition

À PROPOS DE L'AUTEUR
Charles Plisnier

Auteur de Figures détruites

Né à Ghlin le 13 décembre 1896, Charles Plisnier passe son enfance et son adolescence à Mons, où ses parents se sont fixés avant la fin du siècle. La ville bien-aimée, qu'il évoquera à diverses reprises, notamment dans Figures détruites, L'Enfant aux stigmates et Mariages, est le lieu de ses premiers émois, mais aussi le poste d'où il observe les luttes politiques et les mouvements sociaux, aux côtés d'un père qui milite pour le socialisme. Bientôt, le spectacle des injustices le conduira à l'action. En attendant, il dévoile les troubles de son cœur d'adolescent dans deux recueils de poèmes, publiés à Mons en 1913 : L'Enfant qui fut déçu et Voix entendues. Il reçoit l'encouragement d'Émile Verhaeren. Quand la guerre éclate, il vient de terminer ses humanités à l'Athénée de Mons. Les universités ont fermé leurs portes; il se consacre à la lecture d'une masse d'ouvrages scientifiques et philosophiques, de son propre aveu la base de sa formation intellectuelle et morale. Au printemps de 1917, il tente de passer en Hollande pour rejoindre l'armée. Il est refoulé. Ayant quitté Mons, c'est à Bruxelles qu'il apprend, le 8 novembre 1918, la victoire de la révolution russe. Est-ce l'aube d'une ère nouvelle? Il le croit; il s'engage. Dès 1919, il collabore à des publications d'extrême-gauche. Inscrit à l'Université libre de Bruxelles, il anime l'Association des étudiants socialistes belges. En décembre 1919, délégué par elle au Congrès de Genève, il vote l'adhésion à la IIIe Internationale, malgré le mandat restrictif qu'il a reçu. Les jeux sont faits. Il entre au parti communiste belge dès sa fondation, en septembre 1921. Le 23 novembre de cette année, il épouse Alida Depriez, qui sera l'admirable compagne des bons et des mauvais jours. Diplômé docteur en droit en octobre 1922, il s'inscrit au barreau de Bruxelles et s'installe place Louis Morichar, à Saint-Gilles, dans cette maison d'allure provinciale où il réunit la société bigarrée de ses amis, éblouis par sa parole. Nommé en 1925 président de la section belge du Secours rouge international, chargé à ce titre de nombreuses missions à l'étranger, clandestines souvent, il se soumet à la loi du parti, qui lui interdit de publier toute œuvre littéraire. Pourtant, il continue d'écrire. «Guérit-on de la poésie? Le dimanche, enfermé dans ma maison, je libérais mon vieux démon. Et il me dictait ces proses infinies où, stupéfait, je voyais paraître, mêlés à mes cohortes rouges, des infantes, des anges et, déjà, le Christ.» Deux événements vont infléchir son existence et sa carrière. Rallié aux vues de Trotsky, il est exclu du parti communiste au début de l'année 1928. «Maintenant cette vie que je lui avais donnée, le Parti Communiste me l'a rendue», fait-il dire à l'agitateur de Faux Passeports. Après neuf ans de silence (Ève aux sept visages date de 1921), il publie, à intervalles très rapprochés, la quasi-totalité de son œuvre poétique : Prière aux mains coupées (1930), Histoire sainte (1931), L'Enfant aux stigmates (1933), Fertilité du désert (1933), Déluge (1933), Babel (1934), Odes pour retrouver les hommes (1935), Sel de la terre (1936), Périple (1936), Sacre (1938). Lorsque, en 1943, paraîtra Ave Genitrix, journal lyrique d'une conversion, on disposera de l'ensemble des textes qui correspondent à sa définition de la poésie toute écriture qui doit délivrer l'homme d'une obsession étrangère à sa conscience. Perdu au milieu des ouvrages que Plisnier offre aux lecteurs des poètes entre 1930 et 1936, un recueil de quatre nouvelles, Figures détruites (1932), annonce une bifurcation prochaine. Le projet de composer un roman de longue haleine commence à prendre forme. Ce sera l'autre événement crucial : Mariages (1936), coup d'essai, coup de maître. On salue un nouveau Balzac! Le refus de l'Académie Goncourt de couronner un auteur étranger, son repentir le 2 décembre 1937, lorsqu'elle décerne son prix conjointement à Mariages et à Faux Passeports ou les Mémoires d'un agitateur (terminé en mars 1937) contribuent à élargir l'audience du romancier Plisnier et à renforcer sa notoriété. Quelques jours après le prix Goncourt, le 11 décembre, il est élu membre de l'Académie, où il succède à Paul Spaak. Le succès l'a décidé à abandonner le barreau et à vivre de sa plume. Parti pour la France au début de 1937, il s'établit dans la Brie l'année suivante. Il travaille d'arrache-pied : Meurtres, tomes I et II (1939), tomes IIl et IV (1940). Réfugié dans le Berry, il achève le tome V (1941). Puis, il souffle un peu en écrivant un drame, Hospitalité (1943), et deux romans relativement courts, édités après la guerre, La Matriochka (1945), Héloise (1946). Depuis Mariages (remanié profondément en 1944), il est traduit dans de nombreuses langues. Ayant réintégré sa propriété briarde, saccagée par les Allemands, il poursuit son œuvre avec acharnement. Jointe à Mariages et à Meurtres, la trilogie Mères (publiée entre 1946 et 1949) complète la vaste fresque où, à travers l'histoire de quelques familles de la bourgeoisie provinciale, il a essayé d'atteindre l'essentiel des choses invisibles. Beauté des laides (1951) et Folies douces (1952) seront les derniers livres imprimés de son vivant. Comme Faux Passeports et Figures détruites (en 1945, édition revue et augmentée), le recueil Folies douces montre son changement de ton quand il passe du roman à la nouvelle, évocation dramatique, fiévreuse, d'existences insolites, d'individus déchirés. Le 17 juillet 1952, usé par le travail, consumé par la quête de l'absolu, il meurt dans une clinique bruxelloise, des suites d'une opération. Exhumant des textes inédits et des articles importants parus ici et là, sa veuve constitue trois volumes, L'Homme et les hommes (1953), Patrimoine (1953), Roman. Papiers d'un romancier (1954), où l'on découvre que Charles Plisnier, poète aux multiples registres, romancier visionnaire, nouvelliste original, était aussi un essayiste de premier ordre, un analyste lucide des problèmes de son époque et de son art.

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