France Dubois est la photographe
invitée cette semaine
dans la galerie de Karoo.
Elle évoque pour nous sa passion
pour la photographie,
devenue son métier.
France Dubois est la photographe
invitée cette semaine
dans la galerie de Karoo.
Elle évoque pour nous sa passion
pour la photographie,
devenue son métier.
Comment es-tu arrivée à la photographie comme mode d’expression artistique ?
Avant de me lancer dans la photographie, j’ai réalisé un master en communication et travaillé durant plusieurs années au sein d’organisations internationales pour lesquelles j’ai réalisé des reportages vidéo sur les problématiques liées aux relations Nord-Sud.
En 2009, j’ai suivi une formation en photographie à l’école Agnès Varda. Le désir de concevoir des images fixes comme acte de création pure s’est imposé telle une évidence. Par la suite, j’ai eu l’occasion d’être exposée tant à Bruxelles qu’à l’étranger : Paris (Révélation 4, LAB Galerie), Bordeaux (Itinéraires des photographes voyageurs), Lille (Les Transphotographiques), Beauvais (Les Photaumnales), New York (New York Photo Festival), Londres (Photo Art Fair 2014), Kaunas (Kaunas Photo Festival) et Yamaguchi (Akiyoshidai International Art Village).
Comment définirais-tu ton travail ?
Mon travail s’apparente à une écriture poétique et intuitive sous la forme d’images. Mes photographies parlent de la fragilité des émotions, parfois de moments de fêlure, mais surtout d’un monde où règnent la beauté et l’étrange.
Peux-tu nous présenter Avril, la série exposée dans Karoo cette semaine ?
Au mois d’avril 2014, j’ai eu la possibilité de séjourner en résidence d’artiste au Japon, à Itoshima. À cette période de l’année, le printemps vivifie de ses senteurs et de ses couleurs les terres et les gens qui, en retour, prodiguent des soins méticuleux à cette nature qui se hisse à la hauteur, claire, du ciel azuré. Après des hivers rudes, secs et burinants, la saison du printemps laisse s’éployer le cœur des hommes et des femmes. C’est précisément cette joie intérieure que je souhaitais euphémiser et paradoxalement tenir et retenir de façon délicate, élégante et discrète.
Quels sont tes projets à venir ?
Actuellement, je travaille sur une nouvelle série d’images qui traite de l’invisible et de la douleur d’un corps. En avril 2016, j’exposerai ce projet à la chapelle de Boondael à Bruxelles. Voici le texte de la série qui va s’intituler Voyage en invisible :
Coincée dans un corps dysfonctionnel et sentir que les années passent, pas la souffrance. Avec l’échec des traitements, les os se resserrent un peu plus.
L’envie de respirer, chercher la bulle d’air.
La mélancolie devient plus forte, invivable… cris étouffés.
L’absence de mouvements isole. Survivre un peu plus avec la solitude et la peur.
L’obsession : quitter le corps, plonger dans l’invisible.
Vivre parmi les esprits. Se connecter à la source à travers les forces shamaniques.
Voyager en invisible.
Puiser des instants d’apaisement dans ces dimensions autres.
Une petite fille dont le papa a choisi la France comme terre d’asile nous raconte son arrachement à son pays d’origine, sa joie d’être une enfant presque comme les autres petits français jusqu’au jour où des policiers en civils l’attendaient devant les grilles de l’école pour la reconduire avec son père hors de nos frontières. La beauté du texte de Rascal, alliée à l'audace des photographies de C.Genin et des illustrations de JF Martin évoque en vérité la douleur, l'injustice et l'espoir. Deux silhouettes noires se découpent sur une couverture grise cartonnée. Notre société les appelle les sans-papiers. Fuyant leur pays ravagé par la guerre, un homme et sa fille se retrouvent clandestins à Paris. Quatre ans ont passé depuis leur arrivée, et leur statut reste inchangé. Au fil des pages, cette écolière nous raconte son quotidien un peu particulier: apprendre à reconnaître les dangers, se rendre invisible... Elle parle français, chante la Marseillaise et récite Prévert. On apprend aussi la mort de sa mère, tuée le premier jour de la guerre. L'atmosphère, qui régnait alors était morbide et oppressante. Un beau matin, la police arrête ce père et son enfant. La France, pays des droits de l'Homme, pays de la liberté, de l'égalité et de la fraternité?... Très bel hommage rendu à tous ces êtres humains, à tous ces survivants qui vivent clandestinement en « terre d'accueil ». Avec un texte qui va à l'essentiel et des mots soigneusement choisis, les auteurs permettent aux enfants, accompagnés d'un adulte, de découvrir une autre réalité de vie. Les illustrations surprennent par leurs diversités, sorte de mélange de photo et de sérigraphie, et accompagnent avec délicatesse ce texte essentiel et malheureusement toujours…
L’arbre de mon père (volume 1) : Mémoire d’une famille grecque en Égypte (1948-1955)
Bruxelles, 2013, une pièce peuplée de livres, de plantes et de photographies. Un homme aux cheveux gris souris, de petites lunettes juchées sur son nez, pointe du doigt un garçonnet au centre d’un cliché en noir et blanc : « Alors, là, c’est moi dans les bras de ma mère. Elle m’appelait Kostaki. Ça veut dire petit Kosta en grec. » Avec son autre index, sur une carte cette fois : « Et tu vois ce petit point-là ? C’est Mansourah, ma ville. » C’est ainsi que débute l’exploration de l’histoire familiale des Saitas, sous les crayons d’Émilie et à travers les mots de son père, un Grec ayant grandi dans l’Égypte nassérienne. Les premières évocations, dispersées légèrement dans leur lourdeur manifeste, concernent les avortements subis par la grand-mère, Yaya Fifi, prise en charge par une madame Pétain (sans lien avec le Maréchal, même si tous deux ont exercé à la même époque). Puis – là les lunettes se posent et la tête trouve refuge dans une main – un autre souvenir, celui d’un séjour à l’hôpital grec d’Alexandrie pour une infection pulmonaire, au sortir de la guerre. Kosta a alors un an. Pendant des mois, il y aura la dégradation de son état de santé (malgré la pénicilline dénichée dans des établissements britanniques, grâce à la position d’un oncle officier au Canal de Suez), l’inquiétude des proches (le costume noir mortuaire était prêt), la maltraitance des infirmières (des religieuses allemandes considérant d’un œil mauvais et d’une main leste les soins préférentiels accordés au bébé), et finalement la guérison, sinon qui narrerait cet épisode et l’interromprait par pudeur ou trop-plein d’émotion… ?Une salutaire contextualisation socio-politico-économique est alors envisagée, dont la limpidité rivalise avec la beauté des illustrations. Kostaki voit le jour dans une configuration particulière : le crépuscule de la tutelle britannique en Égypte. À ce moment, des murs invisibles se dressent et des tensions palpables se perçoivent entre les couches populaires meurtries par le choléra et les inégalités, le roi et la noblesse bien en pâte, et les Occidentaux nantis (Français, Italiens, Britanniques et « Égyptiotes ») dont les jours sur le territoire sont comptés. Chacun vivant (dans) des réalités parallèles, comme le comprend très vite le petit Kostaki : Et moi, dans cette petite cuisine, je me sentais coincé entre deux mondes. D’un côté, les Grecs ; de l’autre, les Égyptiens. Dans le salon, mes parents recevaient les invités avec des nappes en dentelles et des coupes de fruits protégées par des moustiquaires. Et dans la cuisine… il y avait Abdu. Ces deux mondes séparés par les moustiquaires, ces voiles et dentelles sont autant de filtres déformants qui nous séparent du reste du monde. Saitas profite admirablement de la liberté (de codes, de couleurs, de mises en page) que lui confère la bande dessinée. Ainsi, grâce à un travail de reconstruction et de documentation considérable, ses illustrations et sa narration collent au plus près du mouvement de la mémoire : passer du portrait d’un membre de la famille à la vulgarisation d’événements historiques, enjamber des flash-backs et dénouer des liens familiaux, donner de l’étoffe par des anecdotes cocasses… Tout en précisant, par la bouche de la Tante Dolly, que « [leur] famille n’est pas plus folle qu’une autre… puisque chaque famille est composée d’êtres imparfaits ».Tout est juste et délicat dans l’entreprise de Saitas. On attend la suite de ce premier tome (couvrant les années 1948-1955) : le retour au pays des racines, la Grèce. Samia Hammami « L'Arbre de mon père » est le premier volume d'un récit familial en trois tomes, qui retrace l'enfance de Kosta, le père de l'auteure. À travers son histoire, on découvre celle de la communauté des Égyptiotes, les Grecs d'Égypte. En quelques pages d'introduction très claires, on en apprend plus sur cette communauté majoritairement bourgeoise, enrichie par le commerce du coton et vivant tous dans le même quartier, à l'écart du reste de la population égyptienne. Entre anecdotes d'enfance et réflexions sur la communauté, son récit nous plonge aussi dans l'Égypte de l'après Seconde Guerre mondiale, période décisive au cours de laquelle le pays s'affranchit du protectorat britannique avec l'arrivée au pouvoir de Nasser. Émilie Saitas compose un livre…