En quête du P | Objectif plumes

En quête du P

RÉSUMÉ

Les auteur·e·s amphisbènes créent en duo, tissent leurs mots, illustrent ensemble un œuvre unique. Ici, un road-movie de mots ponctué d’une recherche éperdue de la lettre P.

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
COUPS DE CŒUR ET SÉLECTIONS
À PROPOS DES AUTEURS
David Besschops

Auteur de En quête du P

Et si c’était par la fin que ?... À neuf mois, « gaucher sexuel », réclame un prêtre… À neuf mois d’août, faute de mieux, descend du père. Le singe était à Ostende. À un an, ne comprend pas tout. Le reste, on lui expliquera plus tard. À deux ans, recycle les grimaces d’un quarteron d’adultes ébaudis. P.A.F : un sachet de chiques sures. À trois ans, chute de toboggan. (Assiste au cours de rattrapage le mercredi après-midi.) À quatre ans, le singe, de retour de vacances, manœuvre un tracteur dans le pré voisin. On lui lance des vaches et un ou deux curés. À cinq ans, évide un mur de la maison familiale et ne découvre rien. À six ans, divise la douleur entre tibia et péroné. Fait de l’hôpital et des fables de manière intensive pendant quelques mois. Conséquemment, l’école le poursuit pour « malformation congénitale des zéros… » À six ans, victime d’une brûlure au troisième degré (prise au premier par une dizaine de témoins, médecin inclus), il se laissera greffer une seconde peau sans faire de cinéma. Pas nécessairement la bonne.  À six ans, dans un couvent de Normandie, s’arrête interloqué devant la « Porte de la Grande École du Monde »… Enrico Macias le nargue avec sa clef. Les animaux sont derrière.  À sept ans, port obligatoire d’une paire de lunettes bleutées. Le traumatisme crânien qui s’ensuivit n’a causé véritablement que des dommages psychologiques. En conserve un mauvais œil de prédilection. À huit, neuf et dix ans, se sent mal dans sa nouvelle peau. À huit ans, se raccroche à la cafetière ombilicale du foyer. L’utérus est dans la tasse. Il la boit plusieurs fois par jour. À neuf ans, fume par le nez, la gorge et les oreilles. Et par amour de deux amateurs de « nuit grave ». À dix ans, s’opère seul et s’ampute d’un organe inconnu dont on n’a toujours pas retrouvé la trace.  (À huit ans), rencontre Diana, muse qui l’attendait au coin d’une rue et l’accompagne régulièrement aux emplettes. (À neuf ans), même en pleine journée, tous ses achats sont gris. Se rend tragiquement compte de l’inexistence de Diana. À dix ans, s’envole en fumée sans feu. À onze ans, téléphone à l’homme, son lointain cousin. Pas de tonalité ! À douze ans, renvoyé du catéchisme pour y entonner des airs de Simenon… Célèbre chanteur en prose répudié par les églises de toutes sortes. À treize ans, souscrit à l’orgueil d’un clan : sa mère sodomise le pape régulièrement ! (Un tuyau dans la hiérarchie catholique.) À treize ans, trouve une douille de la dernière dans son slip. La montre à ses parents qui préviennent aussitôt les autorités (autoproclamées) compétentes.  À quatorze ans, gros bonnet d’âne de la drogue. À quinze ans, témoin angoissé de la fonte des neiges et de la pousse du poil autour de sa douille. À seize et dix-sept ans, feux d’artifices manuels. Fin du temps de paix. La douille s’engage. Elle sera de tous les combats. Foutre blanc ou poudre noire. Il rachève ses blessures à la baïonnette. À dix-sept ans, prend la place du mort… Entre à la milice. « Les mains en l’air !... Plus personne ne bouge… » Pendant deux ans… À dix-huit ans, passe un tour. À dix-neuf ans, coïncide avec Sylvia Swing sur les bords de la Meuse. Elle lui fournit des indications décisives sur l’emplacement du trésor. Et lui donne l’autorisation de la revoir, en peintures !... Intimité non dévoilée. Lecture bouche bée d’Émile Ajar. À la demande de Sylvia. À vingt ans, apprend le mot « bougnoule ». Rate sa noyade. Hépatite A, B et C… Confond avec les vitamines. Travaille en noir pour le Clergé & les Fornicateurs Anonymes. Se colle aux portes et aux bouches d’égouts pour surprendre l’orgasme à l’œuvre. Platonicien actif et onaniste convaincu, il garde ses distances.  À vingt et un ans, louchébème ahuri en vitrine face à des amateurs de viande froide. Premiers attouchements publics.   À vingt et un ans, se trompe d’erreur et s’en va. Pas comme il était venu.  Médaille réversible ou l’enfance des revers. À cet âge et neuf mois, naît ailleurs puisque la vie est de là.   À vingt et un ans, frôle les coudes de l’amour.     À vingt-deux ans, fait un vœu, comme une lettre à la poste. À vingt-trois ans, reçoit une réponse. De Saint-Nicolas !... Cultive des amitiés à l’abri de l’air et de la lumière du jour. À vingt-quatre ans, un coup de reins abolit le hasard. Prise de sang positive. Condamné à vie avec sursis. À vingt-cinq ans, début d’une correspondance engagée avec Istan Nagaskiev, adolescent rêveur promettant de basculer dans la révolution dès que l’occasion se présentera. À vingt-six ans, l’occasion se présente… Disparition brutale de Nagaskiev au Kasaï. Refuse de se nourrir. Arrivée d’une nourrice, Bigoudi, la fiancée de son frère sur le point de rompre. Signe un contrat exclusif d’un an pour les deux seins. Reprend du poil de la bête (Yéti) et le rend à César qui n’a jamais pu aller jusque-là tant son cheval craignait la neige. À vingt-sept ans, revigoré. N’entre plus dans ses petits souliers.  À vingt-huit ans, subit l’ostracisme aussi féroce qu’injustifié d’un certain Henry Vieux-Temps. Maquisard usant et abusant de la naphtaline et critique frappant sur les clous à la mode. (Ex : Censuré !)    Cette année, devient roux dans un accident. Se pose une question, à la lumière de sa biographie : « Et l’écriture dans tout ça ? » Mort d’un albatros. Conserve un enthousiasme de forme, mais surtout de format A4. Va rarement au-delà. Prévoit un arrêt thermique définitif le dix-neuf avril deux mille quarante-trois. L’heure restant à fixer. (L’idéal serait un samedi soir. Car même pour décéder, il vaut mieux avoir un jour devant soi…) À suivre…
NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

David BESSCHOPS et Christoph BRUNEEL, En quête du p, Âne qui butine, coll. « Amphisbène », 2025, 22 €, ISBN : 9782919712366En quête du p est le premier livre d’Amphisbène, la nouvelle collection de L’Âne qui Butine. Le “concept” de la collection ? Très simple. Un duo d’auteurs ou d’autrices écrit à quatre mains un livre de poèmes, de fictions, ou d’autres choses encore. Peu importe. Pourvu qu’il y ait l’ivresse. Le même duo fournissant des œuvres plastiques ou visuelles, elles aussi produites à quatre mains.Pour En quête du p, c’est David Besschops et Christoph Bruneel, deux pirates, deux “tireurs de langue”, qui se renvoient la balle, dans une partie de ping-pong…


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Bokèts po l’ dêrène chîje : Poèmes pour l’ultime veillée

Peu de temps avant son décès, le grand écrivain wallonophone Émile Gilliard avait transmis à son éditeur les épreuves corrigées de Bokèts po l’ dêrène chîje . La première édition de cette œuvre — une édition artisanale en 50 exemplaires, aujourd’hui introuvable — lui avait valu le prix triennal de Poésie en langue régionale de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2005 et était vue comme un incontournable de sa bibliographie. Sa réédition dans une collection de plus large diffusion et avec des adaptations françaises est donc une initiative bienvenue.  Si cette réédition fait œuvre de justice en permettant à la poésie d’Émile Gilliard d’atteindre des lecteurs qu’elle n’a jamais pu toucher auparavant, soulignons qu’elle fait aussi œuvre utile. En effet, elle fournit aux amateurs une réalisation exemplaire, témoin de la richesse du wallon sous la plume d’un auteur qui le possède pleinement, mais aussi des voies audacieuses empruntées par la poésie d’expression régionale depuis le milieu du 20e siècle.Émile Gilliard est en effet un héritier de la « génération 48 », qui a renouvelé cette poésie par la recherche de formes nouvelles et l’exploration de thèmes actuels. Ces jeunes poètes et leurs continuateurs visaient l’universalité, à travers des œuvres qui ne reniaient en rien leur attachement à leur région ni leurs origines souvent modestes.Dans Bokèts po l’ dêrène chîje , Émile Gilliard applique fidèlement ces principes, suivant une route d’abord tracée par Jean Guillaume, son maitre en poésie. Écrites dans les années qui ont suivi son départ à la retraite, les trois séries qui composent ce recueil explorent le regret lié au temps perdu, l’amertume d’avoir dû travailler pour d’autres, la fatigue physique et mentale… Au fil des poèmes, le lecteur découvre une langue particulièrement souple, riche d’adjectifs aptes à traduire, par exemple, les nuances de ce dernier sentiment : nauji [ « lassé » ], scrandi [ « fatigué » ], nanti [ « exténué » ], odé [ « lassé » ], skèté mwârt [ « éreinté » ]…Par endroits, le poète renoue avec la colère qui s’exprimait à plein dans certaines œuvres précédentes ( Vias d’mârs´ en 1961 , Come dès gayes su on baston en 1979) : ’L âront scroté nos tëresèt nos cinses èt nos bwès,à p’tits côps, à p’tits brûts,[…] come dès fougnantsk’on wèt todis trop taurdcand leû jèsse a stî fêteèt k’ tot-à-fêt a stî cauvelé. Dès-ans èt dès razansk’on a cauzu ovré d’zos mêsse,[…] dissus nos prôpès tëres. [Ils auront dérobé nos terres, / fermes et forêts, / peu à peu, sans fracas, / (…) comme des taupes / qu’on détecte toujours trop tard, / quand elles ont accompli leurs méfaits / et qu’elles ont tout creusé. // Une éternité / qu’on a quasi œuvré / sous tutelle, / (…) sur nos propres terres.] Ailleurs, il reprend les questionnements d’ordre métaphysique qui traversaient À ipe , cette autre œuvre importante, rééditée dans la collection micRomania en 2021. Èt si nosse bole âréve bukéconte one sitwale ? […] Èt nos-ôtes bèrôderèt r’nachî à non-syinceaprès l’ dêrène ruwale ? [Et si notre globe / avait cogné une étoile ? (…) // Nous aurions erré, / cherché inutilement / une ultime issue ?] Ces deux veines majeures de l’œuvre gilliardienne — le questionnement sur l’homme et son environnement, la défiance envers l’exploiteur, en communion avec tous les exploités — trouvent un point de rencontre dans les pages les plus fortes du recueil. C’est alors la métaphore de la maison qui exprime la détresse du « je » (non, du « dji » ) face aux communs massacrés au bénéfice de quelques-uns. ’L ont rauyî djustotes lès pîres dissotéyesèt lès tchèssî au lon,à gros moncias.Èt c’èst cauzucome s’il ârén´ ieû v’luchwarchî è vike,chwarchî è m’ pia.Come si l’ maujoneâréve ieû stîon niër, on burton d’ mès-oûchas. [Ils ont arraché / toutes les pierres descellées / et les entasser au loin, / et c’est quasi comme / s’ils avaient voulu / m’écorcher vif, / charcuter ma peau, / comme si la maison eût été un nerf, / un moignon de mes os.] De manière plus explicite, Émile Gilliard fait le lien avec le désastre écologique dans le poème d’épilogue, écrit spécialement en vue de cette deuxième édition. Vêrè ként’fîye on djoûki l’eûwe ni gotinerè pus wêre foû dès sourdants.On s’ capougnerè po sayî d’ ramouyî sès lèpes.Vêrè ki l’ têre toûnerè à trîs et tot flani,ki nos maujones si staureront su nos djoûs,èt nosse lingadje ni pus rén volu dîre. [Peut-être viendra-t-il un jour / où l’eau filtrera à peine de la source. / On s’empoignera pour se rafraîchir les lèvres. / Une terre stérile fera flétrir les plantes. / Notre maison s’écrasera sur nos jours, / et notre langue n’aura plus de sens.] Au possible effondrement des équilibres naturels fait écho ici celui d’une langue. Bokèts po l’ dêrène chîje est aussi traversé des préoccupations d’un homme qui a donné tous ses loisirs à la langue wallonne et laisse parfois libre cours à son pessimisme : « po ç’ k’il è d’meûre : / on batch di cindes èt dès spiyûres, / sacants scrabîyes / k’on îrè cheûre èt staurer sul pî-sinte » [ « pour ce qu’il en reste : / un bac de cendres, des déchets, / des escarbilles / à secouer et à répandre sur le sentier » ]Et c’est en cela que cette réédition prend une valeur supplémentaire : en redonnant à lire des poèmes qui ne taisent pas son sentiment de lassitude et d’isolement, elle nous rappelle que leur auteur a toujours su le dépasser. Émile Gilliard, en effet, n’a jamais cessé d’écrire dans sa langue première et a consacré ses dernières années à d’importants travaux philologiques. Ce livre prend donc, en creux, la valeur d’une ode à sa résilience et à son formidable engagement. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Ce tryptique a été publié artisanalement, en wallon, à compte d'auteur, en tirage restreint, en 2004. Le dernier volet Crèchinces a également fait l'objet d'un numéro des Cahiers wallons . La présente édition est assortie d'une adaptation en langue française. L'ordre des textes comporte des modifications et un poème d'épilogue résume l'esprit du recueil. L'actuelle situation du monde donne à ces poèmes un reflet d'authenticité. Y pointent heureusement des germes d'espérance et de lumière. 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