Destrée : La lettre au Roi

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jules Destrée

Auteur de Destrée : La lettre au Roi

Jules Destrée naît à Marcinelle le 29 août 1863, dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle, amie des arts. Le père, Olivier, ingénieur-chimiste, est professeur au Collège communal de Charleroi où il peut suivre l'éducation de ses deux fils Jules et Olivier-Georges, le futur dom Bruno. Point n'est besoin de sévérité. Élève brillant, Jules est aussi brillant étudiant: à vingt ans (1883) il conquiert son diplôme de docteur en droit. Il fait alors son stage chez Edmond Picard, chez qui il se lie d'amitié avec Henry Carton de Wiart et Léon Hennebicq. Il est aussitôt plongé dans une atmosphère des plus artistiques : Bauwens et Waller ont réuni autour d'eux une équipe de La Jeune Belgique à laquelle le jeune robin s'empresse d'adhérer. Dès le 15 mai 1882, nous le trouvons au sommaire du combatif périodique : il lui reste fidèle, même quand la revue change de cap. On retrouve, sous sa plume, des textes de tout genre : œuvres d'inspiration, de critique littéraire ou artistique, voire impression du barreau; car dès 1886, il est inscrit au barreau de Charleroi. D'entrée de jeu, il est amené à plaider la cause d'ouvriers mis en jugement. Son éloquence ne peut obtenir l'acquittement d'Octave Falleur, secrétaire de l'Union Verrière qui est accusé d'avoir suscité l'incendie de la verrerie Baudoux; il notera alors qu'il est «épouvanté de voir sur quelles iniquités… tout notre ordre bourgeois est fondé». On voit poindre dans cette notation des préoccupations sociales; attendues, d'ailleurs, chez un lecteur assidu des romanciers russes. Elles se mueront bientôt en engagement politique. En 1888, Destrée fait partie, à côté d'Edmond Picard et de Paul Janson, de l'équipe de dix-neuf avocats qui plaident les causes des accusés du Grand Complot, procès dont on a dit qu'il était plus politique que juridique : une parfaite connaissance des dossiers, une maîtrise dialectique impressionnante amènent l'acquittement des présumés coupables. Désormais l'esthète de La Jeune Belgique, le divulgateur de la doctrine socialiste va devenir un homme d'action. L'instauration du vote plural conduira, en 1894, aux élections du 14 octobre, d'un seul coup, de vingt-huit élus socialistes (dont huit carolorégiens) à la Chambre. Destrée est du nombre : il restera député jusqu'à sa mort. Désormais, il va déployer une activité intense qui illustrera maint domaine. Il sera conseiller communal (1903-1911), échevin (1903) de l'Instruction publique de Marcinelle; il fonde le 20 octobre 1903 l'Assemblée wallonne, dont il sera secrétaire général jusqu'à sa démission, le 12 novembre 1919. Dans la Revue de Belgique du 15 août 1912, il publie sa célèbre Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre, dont on a retenu la phrase provocatrice : Sire, il n'y a pas de Belges qui, en fait, constitue son manifeste pour le fédéralisme. Il serait outrecuidant d'évoquer une carrière parlementaire de plus de quarante ans et de rappeler ses nombreuses interventions, veinées d'un humour parfois grinçant. On ne peut oublier que l'homme politique ne renoncera jamais à son activité d'écrivain : en épinglant quelques moments forts de son action, on verra que les deux visages de cet Hermès pouvaient parfois se confondre. Destrée connaît bien l'Italie qu'il a visitée, encore étudiant, avec son père et son frère, plus tard avec sa femme, Marie Danse : il a consacré diverses études à la peinture péninsulaire. Faut-il, dès lors, s'étonner qu'à la déclaration de guerre, le gouvernement l'y envoie avec Pierre Paulus, pour récupérer les œuvres de nos artistes exposées à la Biennale de Venise? Dans ce pays, à la neutralité chancelante, ils s'efforceront avec les députés Lorand (libéral) et Mélot (catholique) de dénoncer les méthodes de l'envahisseur. Secondés dans leurs efforts par Gabriele D'Annunzio, ils parviennent à faire crouler la Triple Alliance; l'Italie déclare la guerre à l'Autriche le 25 mai 1915. Au lendemain de la Révolution d'octobre, Destrée est mandé comme ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du gouvernement de Kerensky. L'action du premier ministre russe le déçoit : son livre Les fondeurs de neige (1920) confesse sa désillusion. Lui ayant enjoint de quitter la Russie, le gouvernement lui confie l'ambassade de Pékin. Il rejoint son poste après un long périple qui le conduit à Vladivostok et au Japon. Il quitte la Chine en novembre 1918 après avoir fait ample moisson de souvenirs tant spirituels que matériels; sa maison bruxelloise de la rue des Minimes regorgeait, d'ailleurs, de ces témoignages. Lorsque Léon Delacroix constitue son deuxième gouvernement, il confie le ministère des Sciences et des Arts à 1'orateur formidable (ainsi le jugeait Maeterlinck). Destrée gère ce département du 9 décembre 1919 au 24 octobre 1921. On ne saurait énumérer toutes les initiatives qu'il prend alors et la plus spectaculaire reste, sans aucun doute, la création, malgré réticences et scepticismes, de l'Académie royale de langue et de littérature françaises. L'œuvre écrite de l'homme d'État est abondante et diverse. On a évoqué la collaboration à La Jeune Belgique : c'est ce périodique qui a accueilli un fragment des Lettres à Jeanne (1886), évocation d'amours de jeunesse qui sera répudiée par la suite. Un autre volume autobiographique, Mons et les Montois (1933), est un croquis séduisant de la ville où il avait plaidé ses grands procès et célébré son mariage. Le conteur (notamment Les Chimères, 1889) ne peut faire négliger l'historien d'art qui, partant de l'illustration de L'œuvre gravé d'Odilon Redon et de Notes sur les Primitifs italiens (1899-1900-1903), nous conduit à l'essai sur Le Maître de Flémalle (Robert Campin) (1930) et au magistral ouvrage (dont les conclusions seront contestées) sur Roger de la Pasture - Van der Weyden (1930). La Classe des beaux-arts de l'Académie royale l'appelle en son sein le 1er juillet 1920; l'Académie qu'il a fondée l'élit le 20 mai 1922. Il siège la même année aux côtés d'Einstein, de Marie Curie, de Valéry à la Commission de coopération intellectuelle de la Société des Nations. Il meurt à Bruxelles le 3 janvier 1936.

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