Fanny Garin donne corps, silence après ligne, aux différents êtres circulant à l’intérieur ou aux abords d’un abattoir en grève. Quant à dire si l’objet qu’elle forme là est une pièce de théâtre, le scénario d’un film documentaire ou le mode d’emploi pour créer l’un des deux, bien malin·e qui le pourrait. Une chose est sûre: qui réaliserait le film de Yuhanne Dark ou mettrait en scène Des tueries et un film deviendrait, instantanément, un personnage de fiction.
Auteur de Des tueries et un film : Poème dramatique & documentaire
Fanny GARIN, Des tueries et un film, Sabot, 2023, 136 p., 12 €, ISBN : 978-2-492352-13-3« C’est cela la fiction, ce corps mou, spongieux et rose pâle de porc aux pieds noirs. C’est cela la fiction, le polar, des fleurs jetées au corps du porc, des fleurs jetées autour et déjà fanées, flétries. On imagine n’importe quoi. »L’opus Des tueries et un film, de Fanny Garin, sous-titré « poème dramatique et documentaire », explose les digues de la représentation, aggrave la tension entre fiction et réel. Oscillant entre scénario de film, pièce de théâtre, poème, notes, ce livre est, littéralement, inclassable. Nulle autre voix que celle de Fanny Garin n’aurait pu livrer cette espèce de « polar sanglant…
Après deux magnifiques recueils (Des disparitions avec vent et lampe et Natures sans titre) et une tentative en prose (Porte de la Chapelle), Fanny Garin revient avec un ouvrage inclassable, Des tueries et un film, publié aux Éditions Le Sabot ; mélange détonnant de poésie, de théâtre et d’exploration documentaire.
Après deux magnifiques recueils (Des disparitions avec vent et lampe et Natures sans titre) et une tentative en prose (Porte de la Chapelle), Fanny Garin revient avec un ouvrage inclassable, Des tueries et un film, publié aux Éditions Le Sabot ; mélange détonnant de poésie, de théâtre et d’exploration documentaire.
Le Bestiaire n°III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963
Marcel BROODTHAERS , Le Bestiaire n°III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963, édition et présentations par Maria Gilissen-Broodthaers et Jean Daive, L’atelier contemporain, 2024 , 208 p., 30 € , ISBN : 9782850351433Inclassable briseur de moules, poète, artiste conceptuel qui, dans une veine postduchampienne, bouleversa les rapports entre écriture, images et objets, d’une liberté de pirate au pays des signes et de l’institution muséale, Marcel Broodthaers (1924-1976) fut un génial brouilleur de frontière entre l’écrit et le dessin, l’humain et l’animal, le concept et la matière. À l’occasion du centenaire de la naissance de Marcel Broodthaers, L’Atelier contemporain publie des poèmes-poèmes, des poèmes-objets placés sous le signe du bestiaire. Remarquablement édité et présenté par Maria Gilissen-Broodthaers et Jean Daive, Le Bestiaire n° III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963 nous plonge dans l’espace de création physique et mental d’un artiste qui publia des recueils de poèmes, des ouvrages — Mon livre d’Ogre , Minuit, La bête noire, Pense-bête —, qui déconstruisit la poésie en la déportant vers les arts plastiques. Interrogeant les conditions et les limites du voir, du montrer, de l’écrire, de l’exposer, marqué par Magritte, par Mallarmé, casseur des codes de l’expression, inclassable chercheur, il créa en 1968 un musée d’art imaginaire, le Musée d’art moderne, Département des Aigles, Section du XIXème siècle dont il se nomma conservateur. Détournant les Fables de La Fontaine, le Bestiaire de Broodthaers immerge l’humain et l’animal dans des récits, des moralités qui, suivant l’ordre alphabétique, auscultent dans une « invention sans limite » comme l’écrit Jean Daive, la comédie humaine, les mondes insoupçonnés de l’araignée, du lézard, du rhinocéros, du lion mais aussi de l’eau, du désert, du feu ou du banquier, du don juan, de l’alcoolique. Dessins, poèmes raturés, dératurés, listes, tableaux, jeux, textes manuscrits délivrent une expérience graphique, visuelle entre ready-made poétique et fable surréaliste. Tout est œuf. Le monde est œuf. Le monde est né du grand jaune, le soleil. Notre mère la lune est écailleuse. En écailles d’œufs pilés, la lune. En poussière d’œufs, les étoiles. Tout, œufs morts. Et Perdu, l’homme. En dépit de preuves, monde, soleil, lune, étoiles, de trains entiers. Vides. D’œufs vides ? Analogies, glissements d’un plan de réalité à un autre, irrévérence aux taxonomies, au bien-dire, au penser droit, alambic poétique, caviardage de textes, piétinement des lettres par leur redoublement, défaisance et recréation de la fable du Corbeau et du renard de La Fontaine, semences d’absurde et de pataphysique révoltée, pastiche, ironie cinglante et non sense , délires typographiques, déboulonnage des régimes d’autorité… Marcel Broodthaers ne laisse aucun règne en place, il agrandit, soustrait, désœuvre la poésie, la convertit en objet visuel où, comme l’analyse Jean Daive, les ratures explosent. La mouleCette roublarde a évité le moule de la société.Elle s’est coulée dans le sien propre.D’autres, ressemblantes, partagent avec elle l’anti-mer.Elle est parfaite Dans ses poèmes, ses peintures, ses sculptures, ses gravures, ses films, ses installations, ses photographies, Marcel Broodthaers a empoigné des questions-énigmes, celles des rapports entre coutures des mots et organicité des choses, des liens entre espace imaginaire, mental et espace réel. Dans ce bestiaire jubilatoire, d’une extravagance imaginaire sans borne, il nous livre sa boîte à outils expérimentale. Stupéfiant. Véronique Bergen…
Marie-Jo Vanriet fait avec beige fracas son entrée en poésie. Un titre à l’image d’un recueil…