Avec des textes situés à mi-chemin entre le poème et la nouvelle, le monologue intérieur et l’évocation de peuples lointains (on pourrait presque décliner les genres à l’infini), Jacqueline De Clercq place son dernier recueil sous le signe de l’errance. Ce sont forains, Tziganes, bergers de l’ouest algérien que rassemblent, au-delà des particularités ethniques ou culturelles, la marginalité et la haine imposées. Mais De Clercq semble surtout vouloir fixer des instants comme autant d’émotions, avant que l’oubli des civilisations dominantes, la paresse des hommes ou la vie quotidienne ne les anéantissent. Une mère croit voir tomber sa fille d’un « carrousel à chaînes » : illusion qui marquera profondément sa psychologie. Un alezan passe au galop dans les rues d’un village roumain. Après ? Tout paraît en l’état, sauf peut-être dans l’œil d’une touriste occidentale. Des bergers traversent les plaines du Sahara à la recherche de l’herbe précieuse. Ils marchent depuis toujours, mais pour combien de temps encore ? A ce texte, des fragments de poèmes apportent une part d’éternité (gestes rituels et martèlement des noms propres), qu’une inquiétude fendille bientôt. Une petite fille insouciante joue sur les rochers. Soudain, la mer la rejoint. Ailleurs, une femme nue ou demi-nue, couchée dans un jardin. Une autre femme, demi-nue, assise en tailleur à l’intérieur d’une maison. La première femme sera le modèle, l’image. La seconde, le peintre. Sont-elles là pour autre chose que l’étreinte, la dilution définitive en encres colorées sur un tableau ? Enfin, les rythmes du carnaval de Binche rencontrent ceux du Sénégal. Le temps d’une conversation.
Auteur de Courts circuits, haute tension
« La poésie est comme la philosophie – ou devrait au moins faire comme elle,…