Est-il vrai, comme l’écrivait Léon-Paul Fargue, il y a près de cent ans, qu’il y a « trop de livres dans les boutiques, trop de pages dans les livres, trop de phrases dans les pages, trop de lignes dans les phrases, trop de mots dans les lignes, trop de lettres dans les mots » ?
L’inquiétude de Fargue est toujours la nôtre, et elle ne cesse de s’amplifier.
Comme un rat est comme une réplique à ces angoisses, par exemples interposés : exemples de ce qui mérite d’être lu et, surtout, relu ; exemples de ce qu’il est inutile de lire ; exemples de questions qu’il importe de poser aux livres qu’on s’apprête à donner à l’impression ; exemples d’enthousiasmes et de regrets ; exemples de sujets (et d’auteurs !) à retrouver, voire à inventer. On y croisera chemin faisant Jean Paulhan, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud, Julien Gracq et Henri Thomas, Bernard Frank et Maurice Debroka, Jacques Borel, Michel Lafon, Jean-Benoît Puech et plusieurs autres ; des réflexions sur les vertus du livre pauvre, la fécondité des erreurs d’interprétation, l’âge des textes et des lecteurs, les plaisirs de l’allusion et la disparition des timbres-poste ; mais aussi des croquis de Grenade et de Brattleboro, car la vie est inséparable de la fréquentation des livres.
Comme un rat n’est pas une bibliothèque idéale. C’est plutôt un livre qui essaie de faire le point, sur le sens du temps qu’on passe avec les livres comme sur les mystères que les textes nous aident à ne pas toujours comprendre.
Auteur de Comme un rat
« Plus nous avançons dans une langue et plus son mystère s’épaissit. » Voici l’un des aphorismes que l’on peut glaner au fil de la déambulation à laquelle nous convie Jan Baetens, chasseur subtil de raretés – mais, une fois atteint un certain seuil de littérarité, quel livre ne devient pas un hapax ? La phrase énonce une vérité, pourtant sa limpidité formelle suffirait à en contredire le sens. Et voilà justement où se situe le charme irréductible de l’écriture de Jan Baetens : elle ose dire en toute clarté l’opacité la plus profonde des mots et des textes. Elle se fait passeuse d’énigmes en traversant d’un pas primesautier des labyrinthes qui feraient suinter d’angoisse d’autres plumes, prétendument plus sérieuses, plus stylées.
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…