Auteur de CL@R@ au pays d’Internet
J’écris pour murmurer ma blessure. J’écris pour chuchoter où j’ai eu mal, quand j’ai eu mal, combien j’ai eu mal. Même si souvent il n’y paraît rien. Parce que je me cache. Non, je ne me cache pas. Je me livre beaucoup. Mais je cache d’où je viens, ce que j’ai subi et ce que j’ai infligé. Par pudeur. Par peur. Alors je cache mon visage derrière des êtres de papier. Avec le plus sombre, j’écris pour faire une torche d’éclatante lumière. J’ai trop survécu grâce aux bivouacs de Georges Simenon, Jacques Brel, Julos Beaucarne, Henri Vernes, Boris Vian, Hergé et bien d’autres. J’ai senti qu’il y avait chez ceux-là quelque chose à copier. J’écris pour copier mes dieux. Pour d’un souffle chasser l’horrible. Oui, pour chasser l’indicible.
J’écris pour que l’indicible aille se ficher dans les yeux de mes démons. Qu’il leur crève les yeux. Qu’ils ne puissent plus voir, mes démons. Qu’ils en perdent leurs mains, leurs doigts, leurs ongles noirs, leurs rires d’ammoniac et leurs haleines jaunes. J’écris pour écarter les barreaux d’une prison. J’écris pour me libérer de certaines grandes mains froides, quasi métalliques, qui enserraient mon corps, le contraignaient, le plaquaient, le réduisaient à l’état d’objet. Avant.
J’écris pour témoigner. A mesure que mes mots se libèrent. J’écris pour qu’autour de mes livres, comme autour d’un feu, on se pose des questions. Non point des questions incroyablement difficiles, mais des questions simples : les hommes ont-ils peur des femmes ? Peut-on avoir envie de tuer son conjoint ? Est-ce normal que des parents fouillent les lettres d’amour de leur enfant ?
Je suis la femme d’Orient. Elle accouche sans piper ni son ni mot ni souffle ni rien, juste une goutte de sueur sur la tempe, témoin silencieux de la très haute douleur. J’écris avec cette goutte-là.
Lauréat d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Aide au projet, 2008