Auteur de Chants et gestes pour les croix invisibles
Anne-Marie Smal est née à Namur, en 1929. Bien que son père fût de nationalité française - Lorrain -, c'est surtout dans le terroir du Namurois que sa famille, apparentée à celle de Jean Tousseul, enfonce de profondes racines. Des parents très sensibles, un père obsédé par l'idée des guerres, moins celle qu'il avait faite que celle dont il sentait la menace, une mère éprise de culture et de nature : la conscience d'Anne-Marie s'éveille très tôt aux sentiments du beau, mais aussi à ceux de l'angoisse. Dès quatre ans, elle dicte des histoires à Juliette, une amie de sa mère qui tiendra une grande place dans sa vie. A dix ans, voyant des statues de saints dans un magasin, elle pense brusquement qu'il n'y a rien au-delà. Et, en même temps, elle éprouve une peur de la mort qu'elle ne retrouvera pas aussi intense, plus tard, pendant la guerre, sous les bombardements, ceux de l'exode de 40, qui lui laisseront pourtant d'épouvantables souvenirs ou, plus tard, ceux qui tueront deux de ses camarades de lycée.Après des études primaires campagnardes, en effet, elle est entrée, en 1941, au lycée Blanche de Namur, elle découvre les grands noms de la poésie; elle se met à écrire elle-même. Elle a la chance d'avoir des professeurs compréhensives, indulgentes à cette adolescente qui néglige beaucoup de cours pour se livrer à sa vocation.Parmi ses souvenirs de ces années à la fois sombres et belles, graves et fécondes, il y a celui d'une petite juive (qui survivra), condamnée à porter l'étoile jaune : la directrice l'a présentée de classe en classe, courageusement, en expliquant ce que c'est le racisme.Autre souvenir douloureux, la mort accidentelle d'un ami d'enfance, dans ce site sauvage et tourmenté de Pignewart, souvent cité dans l'oeuvre. Mort aussi de Juliette.Après le lycée, des études supérieures amènent Anne-Marie à occuper un emploi dans les services de la Province. Mais, ce qui importe, c'est qu'en 1947, à moins de dix-huit ans, elle publie son premier recueil: Chants et gestes pour les croix invisibles. Il est accueilli de façon très élogieuse, notamment par Pierre Lesdain, ami et biographe d'Henry Miller; et André Rodenbach aura ces mots : Poète profond, d'une précocité étonnante.Les rives du sang, le second recueil, paraît cinq ans plus tard. Anne-Marie allait-elle ensuite, comme trop de jeunes poètes prometteurs, s'abandonner au silence? C'est seulement en 1966, après des années dont plusieurs furent pénibles, que reparaît son nom sur une plaquette, dont le "titre" a été suggéré par Pierre-Louis Flouquet. A vrai dire, seul le prénom reparaît: le Poème sans titre, oeuvre de Madame Scheyven a le même âge que Nathalie, la seconde de ses trois filles. Deux ans plus tôt était née Claire (1962), et une troisième soeur, Geneviève, devait naître en 1968.Anne-Marie Smal a vécu longtemps sur les bures, pas très loin du Village gris, à Marchovelette, dans une maison des champs, maison ouverte à tous, aux enfants et dans l'amitié des animaux, maison isolée et si spacieuse que chacun peut s'y ménager son coin de liberté et pourrait même, si tel était son désir, y vivre sa solitude.Anne-Marie ne laissait aucune saison sans écrire, le plus souvent dans son petit bureau blanc, d'où la vue, par l'échappée, embrasse de vastes champs, de hautes frondaisons, des chemins qui n'en finissent pas. Ce n'est pourtant qu'après un long nouveau silence que paraît son chef-d'oeuvre, Variations sur les battements du coeur, que Roger Brucher a si bien situés sur les plages d'un certain sacré où l'âme prévaut.Anne-Marie Smal poursuit aujourd'hui sa recherche poétique au coeur d'un des plus beaux paysages urbains de notre pays, tout près du confluent de la Sambre et de la Meuse.