Ce récit-mémoire est celui d’une enfance : un non-lieu.
Dans ces années-là, les adultes étaient libérés. De contrit à sans tabou, le sexe était au cœur de tout. Joyeux, bardés de musiques et d’électroménagers, les parents laissaient leurs petits avec des paquets de surgelés pour partir à l’étranger. Et cette insouciance qui faisait ambiance… Les hommes en verve avec, dans leur sillage, les épouses, leurs regards posés, leurs gestes prétendus soignants, l’indicible : les corps d’enfants photographiés, chosifiés et – au passage – abîmés.
Cela se passe dans un clos ; une sorte de ghetto qu’il faut fuir, fuir – et oublier.
Quarante ans plus tard, la narratrice revient vers le lieu délaissé; et retrouve, quasi en l’état, les émotions qui l’avaient habitée. Elle cingle ses personnages, assemble les épisodes. Vient enfin une image, et sortent les non-dits. Dire, aujourd’hui, sans pudeur, ce que leur liberté a coûté à… ces enfants-là.
Auteur de Ces enfants-là
Elle se souvient, tout lui revient en détail, sa rage monte et, avec elle, le besoin d’écrire. Les mots se précipitent car tout est devenu clair à présent que l’étau de leur emprise s’est relâché. Dans cet élan, elle nous dit d’une traite son enfance dans une famille en vue, de celles qui attirent le regard et la convoitise et à qui tout semble réussir. Le père est animateur-vedette, il enchaîne les succès. La mère accompagne cette réussite et en organise la mise en scène. Elle saisit toutes les occasions d’affirmer l’ascension sociale de leur couple au travers de réceptions au cours desquelles il se donne en spectacle, toute pudeur mise de côté. Une maison neuve est construite pour affirmer ce statut, avec une piscine dans laquelle il est de bon ton de se baigner…
Ces enfants-là, premier roman de la Belge Virginie Jortay, s’inscrit dans la lignée des œuvres qui tente de rendre au réel un passé longtemps enfoui. Loin des planches de théâtre auxquelles elle est habituée, l’auteure nous livre un récit-mémoire engagé, où elle s’attèle à rendre palpables les sensations, à restituer le tout au rien.
Dominique ROLIN , L’infini chez soi , postface de Pierre Piret, Impressions nouvelles,…