Nicole Malinconi, en observatrice attentive nous invite à regarder notre vie quotidienne au travers des fragments qu’elle saisit.
« Le quotidien a ce trait essentiel : il ne se laisse pas saisir. Il échappe » écrivait Maurice Blanchot dans L’entretien infini. Nombreux pourtant sont les écrivains à tenter d’en appréhender des bribes : Annie Ernaux dans les espaces du métro ou des grandes surfaces, François Bon derrière la fenêtre du train, sans oublier le singulier Georges Pérec. Nicole Malinconi, elle, s’empare au travers de scènes successives des détails de la vie la plus ordinaire pour questionner ce qui fait notre humanité.
Son écriture la porte au-delà des « écritures du quotidien ». Bruits du dehors nous fait partager avec humour l’absurdité du quotidien et parfois son ressort comique (« Sourire jaune », « Le Roi, les casseurs et Annie Cordy »). La mise à mal de l’humanité touche à l’occasion à l’inhumanité comme avec le récit « Enjoy Tchernobyl ». Par délicates touches Nicole Malinconi nous révèle l’étrange-familier de l’usage banalisé des codes, des mots de passe, des émoticônes et autres algorithmes qui peuplent notre ordinaire (« Chaque clic doit faire mouche »). Dans « Façons de parler » et « Entre deux stations » l’auteure souligne plus précisément encore les effets réels de notre monde contemporain dans la chair même des mots, dans la langue, la parole et par conséquent sur les sujets que nous sommes, du fait « que parler c’est ne pas mourir. »
Autrice de Bruits du dehors
Bruits du dehors, le nouveau livre de Nicole Malinconi s’inscrit à plus d’un titre dans ce qui caractérise son œuvre, depuis ses débuts dans les années 1980 : l’attention à ce qui se perd, s’anéantit notamment dans la parole dite, non dite, la parole impossible à se dire. À une différence près.Paru dans la collection « en extension » des Éditions de l’insu, une collection accueillant des ouvrages qui « bien que n’étant pas strictement des livres de psychanalyse, contribuent par leur thématique, leur contenu et leur forme au maintien et à l’avancée du discours psychanalytique », Bruits du dehors est un recueil de textes courts qui cherchent à débusquer dans la société actuelle…
La littérature serait-elle le meilleur moyen de découvrir une région ? Comment percevoir autrement l’esprit d’un lieu qu’à travers la perception intime qu’en donne un écrivain ? Les éditions Magellan & Cie ont répondu avec conviction à ces questions en imaginant leur collection « Miniatures », qui vient de consacrer un de ses derniers titres à la Belgique.« Alors que la mondialisation des échanges progresse, que le monde devient un pour tous, des mondes-miniatures s’imposent, des pays et des régions entières affirment leur identité, revendiquent leur histoire ou leur langue, réinvestissent pleinement leur espace. Quoi de plus parlant qu’une miniature, la nouvelle, pour lever le voile sur ce monde-là, celui d’une diversité infinie et porteuse d’espoir ? », voilà en quelques mots comment l’éditeur, Pierre Astier, présente cette initiative qui a déjà publié une quarantaine de titres aussi variés que ceux consacrés à Cuba, Haïti, Montréal, le Liban, le Mali, le Congo, la Corse ou la Bretagne, la Catalogne, la Serbie ou la Corée, etc. Lire aussi : notre recension de Nouvelles du Congo Ce recueil consacré à la Belgique a ceci de particulièrement réjouissant qu’il est le reflet du cosmopolitisme de notre petit pays, terre de passage et d’échanges, à la croisée de grandes cultures. C’est également un superbe florilège d’écritures et d’univers que nous révèlent les six auteurs de ces nouvelles : si les noms de Nadine Monfils et Patrick Delperdange ont des connotations bien francophones, ceux d’Alfredo Noriega, Aïko Solovkine, Katia Lanero Zamora et Kenan Görgün ne seraient pas a priori rangés dans un rayonnage français. Regrettons au passage qu’aucun auteur flamand ne figure au sommaire puisqu’il s’agit d’un recueil intitulé Nouvelles de Belgique . Une suggestion à glisser à l’éditeur pour un deuxième tome ! Ne boudons pas notre plaisir cependant.Si l’on retrouve sans surprise la verve osée et franchouillarde de Nadine Monfils et les ambiances lourdes, voire sombres, de Patrick Delperdange, cette fois dans la touffeur d’une forêt ardennaise, les registres d’Alfredo Noriega, Aïko Solovkine et Katia Lanero Zamora nous sont moins connus et nous réservent de belles surprises. Le premier n’a rien à envier à ses confrères latinos : il nous conte une histoire à la grande puissance imaginative entre une enfance équatorienne et des rencontres singulières dans le quartier des Marolles. Les deux textes suivants nous immergent dans des humanités en déshérence, tantôt confrontées aux restructurations, délocalisations, grèves et paysages industriels décrits avec une force visuelle rare, tantôt perdues entre deux appartenances culturelles surgies de l’exil d’une famille espagnole en pays liégeois. Si Solovkine nous confronte à la brutalité sociale, la nouvelle de Katia Lanero Zamora nous émeut par une dignité familiale retrouvée. Nous partageons le choix de l’éditeur s’il a voulu nous réserver le meilleur pour la fin : dans « Résurrection de Cyrano », Kenan Görgün met en scène deux frères turcs établis en Belgique. Ils y ont développé deux visions opposées de la vie professionnelle, de la vie tout court et de l’engagement, alors que du temps de leur jeunesse, ils se retrouvaient à l’unisson dans les…