Au dérin cripèt. Arvoye d'Ôdrimont

À PROPOS DE L'AUTEUR
Willy Bal

Auteur de Au dérin cripèt. Arvoye d'Ôdrimont

Willy Bal est né le 11 août 1916 à Jamioulx. Tôt attiré par les lettres, le jeune Bal restera toujours proche de ses origines rurales, et sa langue de prédilection sera celle qui lui permettra de dire la fidélité à ses racines. Sa vocation de poète dialectal s'éveille alors qu'il est encore en humanités. Étudiant en philologie romane, c'est tout naturellement qu'il se tourne vers la dialectologie : il consacre à cette discipline son mémoire de licence, puis une thèse de doctorat, tôt achevée et partiellement publiée sous le titre de Lexique du parler de Jamioulx (1949). S'éveille ainsi une double personnalité de théoricien et de praticien. Ce que Bal ne cessera jamais d'être : auteur d'une étude sur le rude métier de bûcheron, n'aura-t-il pas mis préalablement la main à la cognée? D'un côté une œuvre littéraire abondante : principalement poésie (Oupias d'avri, 1935, Poques èt djârnons, 1957; on rassemblera en 1991 ses Œuvres poétiques wallonnes 1932-1990, mais aussi récits en prose Fauves dèl Tâye-aus-Fréjes èt contes dou Tiène-al-Bije, 1956) et éditions de textes. Sur l'autre versant, une réflexion à propos de la culture régionale et de sa place dans la culture mondiale. Une réflexion qui ne craint pas de s'exprimer dans la langue du cœur (El région dins l'monde, 1936). Avec Maurice Piron, qui fut son complice, Bal exigera de la poésie wallonne des qualités d'inspiration et de forme à même de la faire dialoguer avec les grandes littératures du monde. D'ailleurs, les expériences qu'il glane dans la littérature dialectale, il les rapproche volontiers d'autres quêtes, comme celles de Péguy de Ramuz et de Pourrat, écrivains-frères à qui il consacre plusieurs études. Bien plus : l'intellectuel, à qui sa foi a insufflé le sens de la responsabilité, refuse de s'enfermer dans quelque bois sacré; sa réflexion finira par porter sur l'importance du mouvement régionaliste dans son ensemble (voir La faillite de 1830? Èlie Baussart, La Terre wallonne et le mouvement régionaliste, 1973). La guerre et la captivité marqueront profondément l'homme et l'œuvre littéraire. Le premier y sera soumis à l'épreuve de la déchirure, et approfondira ses convictions démocrates ; la seconde y gagnera un souffle et une âpreté dont témoigne Au soya dés leus (1947). D'abord professeur dans l'enseignement secondaire, Willy Bal rejoint l'université en 1956. Ici encore, l'expérience est vécue sur le mode intense : à la jeune Université Lovanium, au Congo belge, Bal se met à l'étude du monde neuf qu'est l'Afrique. Il en apprend les langues, mais se penche aussi sur le destin des langues romanes qui ont provigné sous l'Équateur, et devient un éminent spécialiste du portugais. En étudiant ces fructueux contacts entre langues et cultures, il fait assurément œuvre de pionnier : ce n'est que récemment que la créolistique ou l'étude du français d'Afrique ont connu le développement prodigieux que l'on sait. Ici encore se marient le souci du détail informé, que Bal tient de sa formation philologique et dialectologique, et les perspectives générales que lui inspire sa personnalité généreuse. D'un côté, un pan important de son œuvre est fait de l'édition et de l'annotation de textes historiques africains (Description du royaume de Congo et des contrées environnantes par Filippo Pigafetta et Duarte Lopes, 1963, Le royaume du Congo aux XVe et XVIe siècles, 1963) ou encore de réflexions étymologiques et lexicologiques (nombre de travaux de détail sur ces faits sont réunis dans Afroromanica Studia, 1979, et dans Africa Romanica, 1988). De l'autre, Bal, un des tout premiers, a su affirmer à ceux qui se soucient de la vie du français que l'avenir de cette langue est en Afrique, et que seul le développement, dans le respect de l'autre, le garantira. Homme de progrès dans le monde, Bal l'est aussi dans les disciplines qui sont les siennes : il a tôt vu l'intérêt qu'il y avait à appliquer la perspective structuraliste aux études dialectales. Mais il est aussi homme de clarté et de synthèse, comme l'a récemment montré la publication de Limes I (1992). Bal a ainsi su prendre la mesure de tous les acquis de la linguistique romane traditionnelle, cadastrée dans une Introduction aux études de linguistique romane (1966), devenue un classique, et dans un Guide bibliographique de linguistique romane (1978; avec J. Germain), suivi d'une Bibliographie sélective de linguistique romane et française (1991; avec J. Germain, J. Klein, P. Swiggers). Mais chez lui, la synthèse est toujours critique on le voit ainsi militer pour une linguistique humaniste, entendant ne jamais couper la langue de ses déterminations sociales et historiques. En pleine ère formaliste, il est un des premiers en Belgique à réclamer une place pour la sociolinguistique. En 1965, en effet, Willy Bal rentre dans son pays, à l'Université de Louvain. Membre de la Commission royale de toponymie et de dialectologie, et de la Société de langue et de littérature wallonnes, il est élu le 9 novembre 1968 à l'Académie royale de langue et de littérature françaises. Membre du Conseil international de la langue française, l'éditeur du Dictionnaire de l'ouest-wallon d'Arille Carlier (1991) l'est aussi du Conseil des langues régionales endogènes de la Communauté française de Belgique. La fidélité aux origines va parfois de pair avec le repli sur des traditions sclérosées, et avec le refus de l'autre : l'autre dans l'espace – l'étranger –, et l'autre dans le temps : l'histoire. Willy Bal fait assurément mentir ce poncif, lui dont la robuste stature évoque le géant Antée, qui reprenait force chaque fois qu'il touchait cette terre dont il était issu : mieux que tout autre, il a montré par sa vie et par son œuvre qu'on ne pouvait vraiment être du monde qu'en étant d'un lieu et d'un temps, et, qu'en échange, l'approfondissement de ce que l'on est ouvre à tout l'homme. Si l'œuvre de Willy Bal est un hymne à la verdeur du terroir, le mot de nostalgie convient donc mal pour décrire une pensée exigeante, toujours tendue vers l'avenir. Willy Bal est décédé le 18 août 2013

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Tchansons d’one miète pus lon. Chansons d’un peu plus loin

Les membres de la Société de langue et de littérature wallonnes, qui reçoivent ses publications ordinaires avant même qu’elles n’arrivent en librairie, auront certainement remarqué l’évolution de sa plus vaste collection, « Littérature dialectale d’aujourd’hui ». Au-delà du travail innovant réalisé sur les maquettes, il convient d’observer une inflexion dans le choix des textes : alors que, depuis une bonne décennie, elle proposait des œuvres d’écrivains confirmés — et parfois même des rééditions — voilà qu’ont paru coup sur coup deux premiers recueils. Si Al cwène dès djoûs de Jean Collette , qui réunit plusieurs suites de poèmes, semblait déjà une œuvre de maturité, ces Tchansons d’one miète pus lon marquent l’entrée en littérature d’un nouveau talent, par ailleurs l’un des cadets de la Société. (Qui se souvient que la « petite collection », comme elle est souvent appelée, fut composée à l’origine de plaquettes se réjouira certainement qu’elle joue à nouveau ce rôle de vivier.) Dire que Xavier Bernier est talentueux semble un euphémisme. Il appartient à une nouvelle génération de wallonophones qui, faute de l’avoir appris de jeunesse, ont dû prendre leur idiome à bras-le-corps, en interrogeant sans relâche des parents et en disséquant les meilleurs auteurs (ces chansons sont dédiées à la mémoire de deux maitres, Émile Gilliard et Auguste Laloux). L’on a peine à le croire tant il déploie une langue riche et précise, qui puise directement aux images et aux sonorités du parler de Crupet. Leur lecture rassurera certainement les amateurs quant aux capacités de régénération des lettres wallonnes, qui vivent une période charnière.Mais en miroir — il faut le reconnaitre — la rencontre d’un texte si exigeant peut faire craindre la pénurie de lecteurs. En effet, en dépit des efforts de l’éditeur, qui propose un rappel des principes de transcription Feller, une traduction française en vis-à-vis et cinq pages ramassées de notes et de glossaire, ce type d’œuvre reste difficile d’accès pour un public qui ne possède pas entièrement son wallon. Car si la version française restitue le sens, elle perd certaines allitérations, certains enjambements : Quèwéye d’aveûles au bwârd do trau Onk qui sît l’ôte, tot fiant come s’i Crwêreut qu’i veut pus clér qui li Waîte bin l’ bèle binde di laîds bâbaus ! [File d’aveugles au bord du gouffre / L’un suit l’autre en faisant mine / De croire qu’il voit mieux que lui / Belle bande d’idiots !] Et il en va de même pour les idiotismes, généralement intraduisibles. Dire que le piche-è-l’aye est désinvolte semble trop faible : il est en fait « pisse à la haie ». De même pour le tape-à-gaye (le gauleur de noix, qui frappe au petit bonheur la chance) et le tchîye-à-pouf (le « chie au hasard »), qui perdent aussi de leur saveur. C’èst mi qu’èst piche-è-l’aye Tape-à-gaye Tchîye-à-pouf C’èst vos, m’ fi, qu’èrite do bouzouf ! [Je suis désinvolte / Imprévoyant / Foireux / C’est toi, mon gars, qui hérites du bordel !] Ces deux extraits font entrevoir un thème important du recueil, à savoir les limites planétaires et la critique de l’individualisme. Xavier Bernier est en effet un auteur engagé, qui dénonce aussi la « Forteresse Europe » et la fast-fashion . Il est intéressant d’observer que, ce faisant, il renoue avec une tradition centenaire de la littérature en langue wallonne, qui a souvent — et notamment dans ses débuts moralistes — prêché le principe de l’égalité de tous devant les drames. Comme Nicolas Defrecheux a pu dire, dans des vers réédités à l’occasion de la dernière Fureur de lire , «  Qui t’ plèce so l’ monde seûye basse ou hôte, lès måleûrs todi t’ac’sûront  » [«  Que ta place sur le monde soit basse ou haute, les malheurs t’atteindront toujours  »]. Xavier Bernier tance le consommateur irresponsable : Ti t’ pous bin mète à djok su t’ twèt Ou d’djà ataquè à couru Gn’a pus qu’ deûs maniéres di moru Si ti n’ néyes nin, ti crèverès d’ swè [Tu peux te percher sur ton toit / Ou déjà commencer à courir / Il n’y a plus que deux manières de mourir / Si tu ne te noies pas, tu crèveras de soif] Est-ce à dire qu’il se place dans l’exacte continuité d’écrivains qui, avant lui, ont exalté en wallon la vie simple et la sagesse populaire ? Du tout. Il cherche plutôt sa propre voix, entre émerveillement du quotidien et solidarité par-delà les frontières, y compris les frontières taxonomiques. Mi, dji n’è vou nin, d’ vos racènes Èt dji n’ vou nin d’meurè stitchi Tot tchantant, mès pîds dins l’ansène Ou dins l’ crausse aurzîye do pachi [Je n’en veux pas, de tes racines / Et je ne veux pas rester fixé / Chantant, les pieds dans le fumier / Ou dans l’argile grasse du verger] Le meilleur exemple est sa Tchanson po lès mouchons , qui reprend un air traditionnel quelque peu carnassier. Mais, sous sa plume, « Dj’ê stî al tchèsse aus p’tits mouchons / Dj’ènn’ ê tuwè pus d’on million » [ « J’ai été à la chasse aux petits oiseaux / J’en ai tué plus d’un million » ] devient… Avoz choûtè lès p’tits mouchons Qui tchantenut chaque si p’tite tchanson ? [ As-tu écouté les petits oiseaux / Qui chantent chacun sa petite chanson ? ]Gageons que c’est grâce à de nouveaux bardes comme lui « Qui l’ môde va d’abôrd riv’nu do tchantè è walon / Èt r’chuflè dès-aîrs do timps d’ nos ratayons » [ « Que chanter wallon reviendra à la mode / Tout comme siffler des airs anciens » ]. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Aves ces Tchansons d’one miète pus lon , Xavier Bernier se sert des mots percutants et des images fortes du wallon namurois pour explorer les questions du présent. Europe-forteresse, dérèglement climatique, mais aussi émerveillement devant la beauté, attachement à l’enfance, vie amoureuse… L’auteur envisage ces thèmes universels en puisant aux sources les plus locales (La Marie Doudouye) comme les plus exotiques (Cesária Évora ou Antonio Carlos Jobim). Ce recueil captivant, qui célèbre la diversité et l’héritage, et où chaque terme est choisi pour sa sonorité ou son rythme, est un appel à résister à l’uniformisation…

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