Auteur que personne n’a jamais réussi à étiqueter, Jacques Sternberg a toujours mélangé à plaisir les genres littéraires et les conventions. Inutile d’en douter, c’est dans ce roman à la fois sauvage et maîtrisé, tendre et choquant, qu’il a le plus sûrement réussi à brouiller toutes les pistes. Texte érotique ? Livre d’humour noir ? Roman fantastique ? Délire verbal ? Hymne d’amour agressif ? Confession rêvée ? Rien de tout cela en particulier et tout cela en un seul bouillonnement de 300 pages. Au gré de ces pages, parfois torrides, parfois glacées, allant de Charybde en Scylla comme de Charlotte en Cécilia, passant de fulgurantes rencontres en ratages absurdes, d’éblouissements en hébétudes, de pièges charnels en chairs piégées, Sternberg oscille avec une égale désinvolture entre l’humour et la terreur, la pornofolie et la poésie, ne reculant pas davantage devant les jongleries avec le temps ou les chutes à pic au fond des galaxies et de l’impossible.
Que ce roman de Sternberg ne soit pas à mettre entre toutes les mains, c’est fort possible : il faut surtout éviter de le donner à lire à tous ceux qu’attirent les confessions réalistes, le sérieux ou la vulgarisation pratique. Mais ce même roman devrait être mis entre les mains de tous ceux que fascinent l’amour et l’imaginaire, l’épouvante et la dérision. Jamais, sur tous ces plans qui se rejoignent si bien entre eux, Jacques Sternberg n’avait été aussi loin, avec autant de provocation. Jamais non plus il n’avait passé avec plus de décontraction de l’obscénité au lyrisme, de la cruauté au désespoir. Est-ce important de l’ajouter ? Des trente livres que l’auteur à signés, c’est celui qu’il préfère personnellement.
Auteur de Agathe et Béatrice, Claire et Dorothée
En janvier 1943, Justine, étudiante en physique à Grenoble, rentre pour le weekend chez ses parents. Dans le train qui l’y emmène, les claquements de la porte du cabinet de toilette la poussent à quitter son compartiment et à s’enhardir vers le lieu ; elle y découvre un bébé. Elle cherche une explication dans la cabine, puis à l’intérieur du couffin, soulève prudemment la couverture et trouve une paire de chaussons d’un blanc immaculé, un biberon en verre surmonté d’une tête en caoutchouc de bonne qualité et, dépassant légèrement de sous l’oreiller sur lequel repose la tête de l’enfant, un livre à la couverture en cuir marron clair. Elle écourtera son voyage, débarquant en urgence pour les soins du bambin dans un bar d’Aix-les-Bains et, tout en même temps, dans la vie de Leonardo Minelli. Lui, elle et la petite Blanche, le trio qui permettra le couple quelques années durant et qui volera ensuite avec fracas tant le rôle de figurant paternel ne correspond pas au roman familial idéal du père adoptif. Les lectures se multiplient, le romanesque des vies se saisit, Blanche rencontre Émile, son Gatsby le magnifique mais lui, « il ne lit pas, est-ce clair ? ». Les évènements se cumulent, Cécile voit le jour, ensuite Jean. Le livre se transmet, se classe parmi les contes. Jean, le désormais Savoyard à Paris, devient « la bonne raison » d’Alice. Les possibles du livre familial se restaurent, prennent des allures nouvelles, une valeur inestimable. Léa et Sasha s’ajoutent à cette fable. Les pages de Blanche d’alors révèleront des possibles romanesques dont chaque lecteur est le détenteur des secrets.Une fresque sur quatre générations, une histoire de transmission, d’horizons, de rôle actif du lecteur, ce « créateur » du texte par son interprétation, ses connaissances propres et la conscience de lui-même. Des histoires évènementielles narrées où le « livre des possibles » se fait objet itératif, lui qui n’aura de cesse de s’écrire à mesure que la lecture se poursuit. Ce livre se réserve le droit de changer de contenu, de se contredire, d’être incomplet, de ne pas terminer ses phrases, de se moquer de tout, de changer de titre, d’auteur, de maison d’édition, de nombre de pages, de format, de couverture, d’illustrations et de tout ce qu’il jugera bon de modifier. Il décline toute responsabilité en cas d’inconfort du lecteur, d’inadéquation à ses attentes, de préjudice fait à sa sensibilité ou de malaise cardiaque. Dans ce Livre des possibles , l’autrice use de la personnification, dans le style et le contenu, ses procédés stylistiques donnent vie aux motifs de la famille, des liens, des attendus et des rôles assumés ou non. Avec une plume réaliste teintée d’un fantastique insolite, la romancière Véronique Sels offre, avec sensibilité et pointe d’humour, un récit qui célèbre l’acte créatif qu’est la lecture.…
Les Navigateurs de l’infini, précédé de Les Xipéhuz
En deux récits emblématiques parcourant quarante ans d’écriture, ce recueil propose une synthèse de l’imaginaire scientifique de J.-H. Rosny aîné. Dans le lointain passé des Xipéhuz, il imagine la rencontre entre des peuplades préhistoriques et une forme de vie non-organique d’une saisissante altérité. Dans le futur stellaire des Navigateurs de l’infini et des Astronautes, il décrit les premiers voyages de l’Homme sur Mars. À la tête d’une œuvre visionnaire et intemporelle, Rosny aîné déploie ainsi son imaginaire dans le temps et dans l’espace pour interroger notre place dans l’univers. L’auteur y pose les bases d’une réflexion audacieuse sur l’humanité, sa singularité et son devenir. Un ensemble de questions au cœur de la science-fiction à naître et dont il apparaît aujourd’hui comme un des pères fondateurs.…
"Paul Corneille avait quarante ans, on lui en donnait cinquante, et cependant…