À la poursuite de Sandra

RÉSUMÉ

Pierre, un ancien amant de Sandra, veut comprendre leur rupture et découvrir qui est cette femme qu’il pensait connaitre. Il interroge son passé et tente de la retrouver.

Sandra se dévoile au travers de différents témoignages. Mais Sandra, sans cesse, nous échappe.

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Pourquoi suis-je absolument certain que la voix que je viens d'entendre est celle de Nathan? Est-ce parce que je me souviens de certains propos de Sandra? Voilà qui semble paradoxal. Sandra tenait Nathan pour l'intelligence incarnée. Or, appeler un inconnu en pleine nuit pour lui crier une injure est d'un imbécile… d'un imbécile, ou d'un homme dont l'esprit peut devenir pervers sous la poussée de certains sentiments. Mais comment préjuger des sentiments de Nathan? Là aussi, je n'ai pour me guider que des souvenirs, et Sandra ne parlait pas volontiers du bonhomme. On eût dit qu'elle avait honte de l'avoir, à un moment donné, trop pris au sérieux. Non qu'elle l'ait aimé. – Il m'arrivait quelquefois de le craindre, me confia-t-elle un jour. Et cela lorsque dans ses yeux passait de la bonté ou sur son visage de la douceur. J'avais alors l'impression qu'une rupture d'équilibre me mettait en danger. Bien entendu, tout cela était absurde. Assez rapidement, j'ai pu me convaincre que je me faisais un monde d'une taupinière. J'en étais beaucoup moins sûr qu'elle. Mais Sandra avait une manière de fraterniser avec le péril qui le désarmait. On eût dit qu'entre elle et lui se nouaient mieux que des relations : des connivences. Aussi se récriait-elle chaque fois que je tentais de lui prouver que Nathan lui avait fait courir de grands risques. J'écris Nathan… Elle ne l'appelait pas ainsi. Elle ne m'appelait pas davantage Pierre. – Oh, disait-elle légèrement, pourquoi donnerais-je à un homme le nom dont on le gratifia le jour de sa naissance? C'est affaire entre sa mère et lui. Elle soupirait. – Je rebaptise tous mes amis. C'est une façon de m'assurer une nostalgie, une survivance dans leur pensée : ce nom qu'ils perdent en me perdant et qui, quelquefois, alors qu'ils croient m'avoir totalement oubliée, les force à se retourner dans la rue, comme si une main se posait sur leur épaule…
Table des matières Préface, par Claire Lejeune Portrait, par Fernand Verhesen À la poursuite de Sandra Bibliographie
PRIX
  •   Prix Rossel, 1964
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louis Dubrau

Auteur de À la poursuite de Sandra



De son vrai nom Louise Scheidt, Louis Dubrau naît à Bruxelles le 19 novembre 1904. Elle a à peine deux ans lorsqu'elle a la douleur de perdre son père, d'origine lorraine, qui se suicide. Sa mère, fille d'un des pionniers du mouvement mutuelliste dans notre pays, se remarie quand Louise atteint l'âge de huit ans; cette union ne sera pas heureuse. Les événements de sa petite enfance marquent profondément la future romancière et son ouvre sera traversée de ses illusions déçues. Précocement attirée par l'écriture, elle esquisse, l'année du remariage de sa mère, une pièce de théâtre dont le texte est perdu. À quatorze ans, elle fait des essais de récits romancés, sous un premier pseudonyme, tout en fréquentant les écoles Daschbeek et Gatti de Gamond.

En 1925, année de ses vingt et un ans, Louise prend la décision de se rendre à Paris pour y suivre des cours à la Sorbonne et au Collège de France, comme élève libre. Elle s'adonne au chant, à la musique et au dessin, et fréquente assidûment les ateliers des peintres et des artistes. En 1934, elle publie dans Le Thyrse son premier poème, sous le nom qui sera désormais le sien en littérature : Louis Dubrau. Elle a choisi un prénom masculin pour être prise plus au sérieux par la critique qu'elle estime misogyne; le patronyme est emprunté à l'une de ses grands-mères. Elle donne des récitals de chant à la Maison des Arts, à Bruxelles; elle fait la connaissance de Pierre-Louis Flouquet, et collabore bientôt au groupe du Journal des poètes, en qualité de critique et de conférencière.

La jeune femme épouse en 1935 un professeur de morale, Fernand Janson. Mais le bonheur semble la fuir; son mariage ne sera pas heureux. L'année suivante, elle publie son premier roman, Zouzou, avant de faire paraître un recueil de poèmes, Présences (1937) puis un ensemble de contes, Louise (1938). Elle aborde ainsi, en trois volumes, les genres auxquels elle s'attachera le plus volontiers.

En 1939, Louis Dubrau reçoit le prix Verhaeren pour des poèmes publiés à Paris, Abécédaire. Au moment où éclate la seconde guerre mondiale, elle donne un recueil d'aphorismes, Amour, délice et orgue, qu'elle complétera cinquante ans plus tard, en 1990. Militante dans un mouvement politique, elle s'engage dans la Résistance, rédige une feuille d'opinion, Femmes dans la lutte, qui deviendra en 1944 une revue, Femmes dans la vie, après sa nomination comme présidente de l'Union des femmes de Belgique, et son activité à la Croix-rouge. Elle rapporte son expérience dans Service de nuit (1950).

Après la guerre, elle abandonne l'action politique, reprend sa collaboration au Journal des poètes, ainsi qu'à de nombreux hebdomadaires, journaux et revues, notamment à la Revue nationale, à Marginales, au Soir, aux Nouvelles littéraires et à la Revue générale. Elle poursuit une ouvre abondante (plus de cinquante titres) et entreprend des voyages dans toutes les régions du monde, puisant son inspiration dans les lieux fréquentés en dehors des modes touristiques. L'ancien Congo belge et le Ruanda-Urundi sont à l'origine de la naissance du recueil de poèmes Ailleurs (1956), la Turquie et l'Iran servent de toile de fond aux récits de La Fleur et le Turban (1959). Dans Les Îles du Capricorne (1967), on retrouve son intérêt pour la Réunion, l'île Maurice ou Madagascar. Ces reportages sont l'écho de ses découvertes, elle décrira plus tard l'Afrique ou les États-unis avec la même chaleur.

La critique a souvent souligné, avec raison, le caractère pessimiste de l'œuvre de Louis Dubrau, ainsi que son esprit ironique et caustique. Le malentendu fondamental entre les êtres, la solitude morale, la désillusion sont les thèmes qui reviennent le plus souvent sous sa plume. L'incompréhension du couple ressemble à une fin de non-recevoir; l'harmonie est rare, même lorsque l'entente physique est présente. Et cependant, un être aimé est nécessaire pour croire au bonheur.

Dans le domaine poétique, qu'elle a trop peu exploré (sept recueils) alors qu'il contient tous les cris d'un cour déchiré, on découvre un langage dépouillé d'inutiles fioritures, conduisant droit à l'essentiel. Pour une autre saison (1948) et Le Temps réversible (1958), dans l'âpreté de leur concision, font entrevoir un monde de souffrance intérieure laissant peu de place à l'espoir et à la complaisance. Un appel, un désir de fuite, une attirance pour le néant marquent les séquences, liées aux souvenirs personnels et à une réflexion intime.

C'est dans le domaine du récit, de la nouvelle et du roman que Louis Dubrau a donné l'essentiel de sa production. Dès L'An quarante (1945), le drame humain de la confession et de la révolte est présent. Il ira en s'amplifiant dans Un seul jour (1947), La Part du silence (1950), L'Autre Versant (1953), La Belle et la Bête (1961) et À la poursuite de Sandra (1963, prix Rossel). Dans ses autres romans, Louis Dubrau accentue le réalisme des conflits intérieurs face à la recherche de la vérité. Comme des gisants, en 1964, Le Bonheur cellulaire, en 1967, Le Cabinet chinois, en 1970, confirment son impatience de vivre. À part entière, en 1974, et onze ans plus tard, La Femme forcée, parachèvent l'appel pathétique d'un être qui refuse la solitude en recherchant avec discrétion la présence d'un au-delà possible.

Les recueils de contes et nouvelles (de Double jeu en 1952 aux Imaginaires en 1981 – Prix littéraire de la Communauté française – en passant notamment par Les Témoins, en 1969 ou Jeu de massacre, en 1977) confirment la philosophie désabusée de la vie et le perpétuel déchirement. Louis Dubrau a été élue à l'Académie le 6 mai 1972. Elle meurt le 16 mai 1997.


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:poursuite homme - "À la poursuite de Sandra"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9548 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Argentine

Dans son roman Argentine couronné par le Prix Rossel en 2009, le romancier, poète et photographe Serge Delaive délivre…

Kipjiru 42… 195

Jean-Marc RIGAUX , Kipjiru 42… 195 , Murmure des Soirs, 2020, 413 p., 22 €, ISBN :…

La prophétie

Il ne fait plus de doute pour personne aujourd’hui que les luttes d’influence entre grandes religions constituent une clé majeure de compréhension des faits qui ont marqué l’évolution des relations entre les nations qui peuplent notre planète terre. À l’heure où des essayistes nous affirment que l’avenir reposera sur l’affrontement entre cultures chrétiennes et musulmanes, Claude Rappe donne un roman qui apporte sans nul doute sa contribution au débat. Annoncé comme thriller, ce fort volume de plus de 500 pages réunit assurément les ingrédients du genre tant il est riche en tensions et en rebondissements. Le récit débute par l’arrivée d’un bateau en port de Brest. À la barre, un homme seul qui erre sur l’océan depuis des éternités et qui s’apprête à retrouver son pays. À bout de forces, il s’évanouit après qu’on lui a annoncé que son sort administratif sera examiné par les autorités du califat où il vient d’accoster. L’occasion pour lui, à son réveil, de remonter le cours du temps et de nous révéler la suite des événements qui l’ont conduit là. Embauché six ans plus tôt par une jeune archéologue après que la passion l’a rapproché d’elle, il est embarqué dans une campagne de fouilles en Syrie. Il a tôt fait de découvrir que l’enjeu majeur des recherches est de mettre la main sur un parchemin, pièce manquante du nouveau testament, et que celui-ci revêt une importance toute particulière. Il n’en faut pas plus pour enflammer l’enthousiasme de notre chercheur. Au gré des très nombreuses péripéties, il découvrira un personnage clé qui finance les recherches et qui se trouve être un haut responsable de l’ONU aux pratiques troubles. Mais il sera également confronté aux dignitaires du Vatican, aux agents du Mossad et de la CIA. Il sillonnera le monde, du Moyen Orient à New York, de Paris à Quimperlé sans oublier un détour par Bouillon. Il sera question de nombres sacrés et de leurs combinaisons, de symboles aux sens multiples, de messages codés, de courses poursuites, d’empoisonnements,  d’enlèvements, de trahisons et d’alliances momentanées, de belles femmes qui se révèlent être de redoutables menaces, de compagnons de voyage froidement assassinés. Sans oublier un feu d’artifice nucléaire sur New York alors qu’il s’éloigne en bateau …Profondément nourri de cultures et de sciences religieuses, mais marqué également d’une pointe d’ésotérisme, ce roman aux séquences rapides riche en sensations fortes ne laisse guère de répit au lecteur. Ce n’est sans doute que le livre posé qu’il pourra s’interroger sur la portée de la prophétie et les postulats qui sous-tendent le fil de la narration tout autant que la tournure que prennent les choses. Toutes questions nécessaires et incontournables en ces temps où l’actualité balaie volontiers les plus douces certitudes. Thierry…