Camille Van Hoof nous donne à lire avec Sentimental Kiss une bande dessinée d’une grande justesse sur les craintes et les émerveillements de l’adolescence.
Au cœur du récit, Charlie et Anima, deux adolescentes aux personnalités contrastées, tissent une relation intense, entre passion, doutes et découvertes. Leurs sentiments, parfois à vif, sont mis en scène avec une douceur graphique et un découpage subtil qui épouse parfaitement les émotions du récit. Charlie est vive et spontanée tandis qu’Anima est plus réservée, elles partagent une relation fusionnelle où fascination et trouble s’entrelacent. Ensemble, elles naviguent dans un quotidien marqué par des désirs naissants et des interrogations profondes.
Il leur faut aussi trouver leur place au sein de leur école. Cette année, elles ont pris des options de cours différents : elles ne seront pas dans la même classe. Ce petit bouleversement, vient apporter de nouveaux horizons mais aussi des inquiétudes. A toutes ces émotions s’ajoute un phénomène étrange qui s’immisce peu à peu dans le quotidien d’Anima. Cette dernière va voir s’entremêler ses moments d’intimité teintés de magie.
Le dessin de Camille Van Hoof est plein de délicatesse et de vibrations. Son trait, à la fois épuré et expressif, s’accorde à une narration qui sait jouer de l’économie de moyens. Certains passages, réduits à l’essentiel, laissent place à l’intériorité des personnages, traduisant leurs silences et leurs hésitations avec une grande sensibilité. À l’inverse, les représentations de chambres d’adolescents débordent de détails et de clins d’œil à la pop culture. On y perçoit les posters, les objets fétiches, ces petits autels du quotidien où s’accumulent les références à l’identité en construction des personnages. Ces contrastes graphiques servent parfaitement le récit, alternant moments d’introspection et exubérance visuelle. Cette fascination pour un phénomène magique apporte une lueur d’irréel mettant en lumière les préoccupations bien réelles des protagonistes. Cette magie, à la fois discrète et omniprésente, vient accentuer la porosité entre le quotidien et l’imaginaire propre à l’adolescence. Elle illustre les transformations intérieures, les différentes formes de désir et sentiments électriques liés à la rencontre du corps de l’autre.
Camille Van Hoof nous offre un récit, loin des représentations hétéronormées qui est essentiel pour diversifier les lectures autour de la vision de l’amour à un âge où faire partie du moule pour être accepté prend parfois trop de place dans le quotidien adolescent.
L’émancipation des personnages passe par leur expérience et il m’est impossible de ne pas évoquer les superbes scènes à la piscine. L’eau, élément de flottement et de transition, devient un espace où Anima se sent libre, en opposition au reste du monde où elle peine à trouver sa place. Ces scènes aux cours de natation nous permettent de plonger dans la représentation des personnages que Camille dessine. Les personnages sont représentés dans leurs postures parfois maladroites et la diversité des morphologies est ici abordée avec toute leur singularité. L’enveloppe corporelle en pleine mutation est un sujet d’inconfort pour de nombreux adolescents.
Avec Sentimental Kiss, Camille Van Hoof réussit à donner à lire un amour sensible, qui capture avec brio les nuances de l’adolescence. Grâce à un dessin à la fois tendre et précis, les émotions affleurent à chaque page, où chaque regard, chaque geste compte. Une bande dessinée qui parle aux cœurs adolescents comme aux adultes nostalgiques de cette époque faite de doutes et de passions.
Romane Armand