Image de l'oeuvre - Regarde dans mes yeux je peux pas trouver mieux

Notre critique de Regarde dans mes yeux je peux pas trouver mieux

Vous souvenez-vous de cet été entre la fin des secondaires et le début des études supérieures ? C’est par ce moment charnière que Iason Saïtas nous convie dans ce récit choral. Dans Regarde dans mes yeux, je peux pas trouver mieux, l’été devient alors un espace de transition, une parenthèse suspendue où tout semble encore possible. C’est une période empreinte d’une douce tension : celle de ne pas vouloir rompre avec l’insouciance tout en sentant, presque malgré soi, que le futur appelle.

Nous plongeons dans le quotidien d’Adéna, Matt, Louise, Luc et Kanénas, jeunes adultes en quête d’eux-mêmes. Identité, rêves, amour, amitié, angoisses… autant de thèmes qui tissent les liens entre ces personnages. Entre les premières bières, soirées, cigarettes et émotions à fleur de peau, le récit explore avec justesse les multiples facettes de leurs relations. Les journées des personnages sont rythmées par des questions intimes et universelles : réussir un examen d’entrée, s’éloigner pour mieux revenir, chercher au loin ce qui pourrait apaiser, comprendre qui l’on veut devenir. Les protagonistes explorent leur place dans le monde et chacun trace sa voie que ce soit au sein d’une équipe de foot féminin, une école d’art ou simplement le rêve d’un lointain voyage.

L’histoire s’étend sur une année, où l’on suit les interactions parfois tendres, parfois tumultueuses de ce groupe d’amis. La dynamique entre les personnages oscille entre les eaux calmes de l'amitié et les remous d'une possible relation amoureuse. Iason Saïtas illustre ces sentiments ambivalents : l’envie de se confier face à l’impossibilité de trouver les mots justes, le besoin de proximité et la peur de perdre l'autre ou encore l'envie de dire quelque chose d'essentiel mais l'incapacité à le formuler. Discussions sur l’avenir, doutes, et grandes décisions rythment leurs échanges, empreints d’une sincérité désarmante.

Dans cette bande dessinée de format souple de 182 pages, le style graphique de Iason Saïtas utilise une gamme de couleurs réduite. Le blanc du papier, surmonté d’un dessin au trait noir avec une couleur orangée, appuie les lumières et donne un ton chaud au récit malgré les multiples expériences et déceptions amoureuses.

Regarde dans mes yeux, je peux pas trouver mieux est une bande dessinée à la fois tendre et douce. L’auteur arrive à capturer ce moment charnière où l’adolescence vacille, et où les choix, qu’ils semblent insignifiants ou déterminants, façonnent doucement la vie adulte.

Bruxelles et sa place Morichar dessinée en arrière-plan, ravira celles et ceux pour qui l’atmosphère de la ville est familière. Iason Saitas dresse le portrait de sa génération et nous plonge avec une incomparable sincérité dans ce moment de construction empli à la fois d’enthousiasme et d’incertitudes. Il évoque avec justesse cette étape universelle où les illusions s’étiolent, laissant place à de nouvelles trajectoires.

En guise de bonus, une playlist soigneusement élaborée par ses soins se trouve à la dernière page, prolongeant l’expérience au-delà des mots et des images.

Romane Armand