Image de l'oeuvre - Manger

Notre critique de Manger

Manger est le premier ouvrage d’Éléonore Marchal. Elle y propose une auto-fiction sur les troubles des conduites alimentaires (TCA) et le complexe rapport au corps de Miss, la protagoniste du récit. En 3 chapitres, chacun lié à une couleur, on suit Miss évoluer depuis l’enfance jusqu’à jeune adulte et traverser avec douleur puis (un peu) de douceur différentes formes de TCA, de visions du corps et d’injonctions à paraître.

Dès les premières pages, les petites filles représentées en princesse nous plongent dans une situation viscérale, où les petites phrases, les gestes, les regards envieux et les monologues internes de Miss sont autant d’informations sur les enjeux à venir et la tension subie en permanence.
Cette tension, doublée d’une exploration des différents TCA au fil des années, nous accroche au livre et nous accompagne dans la découverte du monde et des corps.

Mais l’album d'Éléonore Marchal n’est pas qu’une liste exhaustive de troubles mal documentés auprès du grand public, il est aussi un magnifique travail de dessin.
Les corps qui emplissent la plupart des cases sont chargés de couleurs et chaque chapitre, à la manière d’un étalonnage cinématographique, possède une teinte globale : verte acidulée pour l’enfance, d’un rose-rouge crépusculaire à un rose pâle en passant par de l’ocre-brun pour l’adolescence, puis du bleu océan à l’indigo nuit pour Miss jeune adulte.
Ces couleurs entrent en résonance avec le rêve et la poésie de Miss : aller sur la lune et étudier la création des couleurs.
La teinte imposée lors des 3 premiers chapitres trouvera une nouvelle voie lors de la résolution du récit dans des pages libératrices.

Si le récit se focalise sur Miss, il ne serait rien sans les interactions et le panorama des personnages rencontrés au fil de l’histoire. Des nombreux reproches, des autres ou d’elle-même, aux moqueries puis des phrases maladroites aux réflexions internes, tous les dialogues sonnent justes.
Cette véracité nous happe et créé une forte empathie envers la protagoniste et ses allié·e·s.

La maitrise du sujet, l’efficacité de la narration et le travail de mise en couleurs offre un album dense, prenant et beau qui mérite le détour.
Antoine Carcano