Image de l'oeuvre - Impénétrable

Notre critique de Impénétrable

Toutes celles et ceux qui l’ont lu s’en souviennent, Ne m’oublie pas (Le Lombard) de Alix Garin avait fortement marqué les esprits, en 2021. L’autrice belge sortait alors une première bande dessinée où une jeune femme, Clémence, emmenait sa grand-mère porteuse d’Alzheimer en road-trip. Cette première œuvre a été saluée par la critique et par de nombreux prix (Prix Rossel, Prix FW-B de la première œuvre, Prix Fnac, Prix France Culture…)

Enchainer sur la création d’une deuxième bande dessinée après une telle réussite ne doit pas être chose aisée. Et pourtant, Alix Garin transforme l’essai et confirme un talent que ses premiers lecteurs lui avaient immédiatement reconnu.

Avec Impénétrable, la jeune femme ne choisit pas la facilité. En effet, c’est un récit à la première personne, autobiographique, sur le vaginisme qui nous est proposé. Thème surprenant au premier abord, tant on en entend peu parler. Et pourtant de nombreuses femmes sont touchées par cette souffrance. Cette contraction musculaire du vagin entraine des douleurs intenses lors de la pénétration (qu’elle soit sexuelle ou le fait d’un objet, comme un tampon).

Il a donc fallu une bonne dose de courage à Alix Garin pour se confier au long des 300 pages de ce livre. Mais c’est souvent la prise de risque qui fait les grandes œuvres.

À 21 ans, la jeune femme quitte ses parents, pour s’installer à Bruxelles. Ses études finies, elle se rêve autrice de bande dessinée. Elle obtient un premier boulot dans une agence de communication et signe un contrat d’édition. Tout semble donc lui sourire. Cependant, si de façade l’histoire semble joyeuse, dans l’intimité, la jeune femme commence à ressentir des douleurs lorsqu’elle fait l’amour avec son compagnon. Pourtant, il semble que Lucas – c’est son nom – soit des plus prévenants. D’où pourrait donc venir cette souffrance ?

Débute alors une trop longue phase de silence. La société nous dit qu’un couple qui s’aime doit faire l’amour et qu’une femme doit être sexuellement active pour satisfaire son compagnon. Ces injonctions ne font que renforcer un sentiment de culpabilité infondé mais bien présent. Alors, quand la douleur ne s’en va pas et que la norme se fait trop pressante, la jeune femme craque. Elle se confie à Lucas et décide de prendre les choses en main.  Commence alors pour elle un long chemin pour réparer son corps et son esprit. Alternant les rendez-vous chez les psys et les gynécologues, son parcours de combattante ne fait que commencer. Entre les praticiens qui ne comprennent rien et les alliés, l’équilibre est dur à trouver. Pourtant, elle va, au bout de plusieurs années, parvenir à soigner son corps et son esprit.

D’un autre côté, la vie privée s’en est trouvée abîmée et il lui faudra trouver de quoi réparer celle-ci.

Au fur et à mesure des expériences, Alix va retrouver le désir. Le parcours est tortueux et complexe, mais main dans la main avec son compagnon, elle parvient à se reconstruire. Car « Impénétrable » est une véritable histoire d’amour solaire, hors-norme mais tellement sincère. Tout y est. Une bonne dose de poésie et une puissance graphique, qui a encore franchi un cap et de déploie dans sa pleine puissance. En se défaisant des attentes et en prenant des risques, Alix Garin offre un récit prenant et de magnifiques planches. Les scènes d’introspection sont un ravissement esthétique, qui permettent de plonger avec elle dans ses interrogations. La force graphique présente dans « Ne m’oublie pas » a pris en maturité et nous donne une grande gifle. C’est donc un double pari réussi. Esthétiquement, l’autrice confirme son talent, et, au scénario, elle nous transmet un message de portée universelle.

N'hésitez pas une seconde avant de vous précipiter sur ce qui devrait être l’un des grands livres de cette rentrée !

Clément Fourrey