Image de l'oeuvre - Fantomes : 60 histoires hantées

Notre critique de Fantomes : 60 histoires hantées

- Esprit es-tu là ?
La planche Ouija répond : Oui !

Une fois de plus, un travail magnifique du duo Alexandre Galand et Delphine Jacquot pour cette troisième collaboration autour d’un grand album. Et, comme pour Sauvage ! en 2022 et Monstres et merveilles en 2018, l’album est extrêmement documenté : crédits d’images et de photos, bibliographie, filmographie… Nous naviguons, tels des voyageurs sur le Styx, parmi 60 histoires de fantômes et de revenants allant de l’antiquité au 20e siècle, de l’âge d’or des fantômes aux chasseurs de fantômes.  Dans toutes les cultures, à tous les âges, la question de l’au-delà passionne les humains. Croire ou ne pas croire à ces revenants de retour parmi nous pour régler leurs comptes, telle est la question !

On apprend dans ce livre que la plus ancienne image de fantôme date de – 1000 av. J.-C.. À cette époque les frontières entre vivants et morts sont floues et les défunts reviennent s’ils sont mal enterrés. De là, la mise en place de tout un tas de rites funéraires précis. On découvre que l’on consulte les morts pour avoir accès à leurs sages conseils, tel Ulysse devisant avec le fantôme du devin Tirésias pour retrouver le chemin du retour. Au Moyen Âge , les croyances se développent. Les vikings croient au Vahalla, lieu des défunts courageux, la notion de purgatoire, lieu d’errance chez les catholiques s’enracine. Puis vient le siècle des Lumières, de la rationalité, mais paradoxalement, on cherche à prouver l’existence des fantômes. Peu à peu se développe « la religion » des fantômes, le spiritisme. Dans des soirées organisées, des médiums cherchent à communiquer, les fantômes ont la côte ! La frontière est mince avec l’illusionnisme. On fait tourner les tables, on tente de réveiller les esprits, le spiritisme a le vent en poupe. Au 19e siècle, les techniques se développent et c’est la course pour les meilleurs enregistrements de fantômes, le développement de photographies spirites. Dans cet album stupéfiant, l’auteur et l’illustratrice se plient en quatre pour nous rapporter ces 60 histoires plus incroyables, plus folles l’une que l’autre. Ainsi, Edison lui-même cherche à mettre au point un téléphone pour les morts, le Spirit Phone. Tellement de gens se passionnent, le spiritisme fait vivre énormément d’escrocs, ils cherchent fortune et cela fonctionne. La science de son côté fait reculer les superstitions même si certains l’utilisent pour tenter de prouver l’existence des fantômes. En 1904, après avoir reçu leur Nobel, même Marie et Pierre Curie s’embarquent dans un groupe d’étude sur les phénomènes psychiques. Ce sont les années 1920, la rigueur scientifique s’impose dans ce milieu, mais hélas, même pour ces grands scientifiques, il est difficile de démontrer scientifiquement l’existence des fantômes. Des traces d’ectoplasmes sont présentées, en vain. Vient ensuite l’époque des chasseurs de fantômes, des clubs se forment, composés d’écrivains et même d’hommes d’Église. Au fil du temps la fascination perdure, les fantômes ont le premier rôle dans la littérature, au cinéma. Les spectres continuent d’intéresser, les histoires, les légendes. La naissance du cinéma permettra enfin au quidam de voir des fantômes… en vrai. On s’amuse à se faire peur, des jeux se développent, même à la fête foraine on peut jouer à se faire peur dans la maison hantée…

Cet objet classé en documentaire jeunesse plaira aussi aux adultes fan du style « cabinet de curiosité », aux curieux du sujet. Mais qui ne l’est pas finalement ? On suit dans cet album le cheminement de la peur, de la fascination pour les fantômes et l’on est presque tenté de sortir une vieille planche Ouija du grenier…

Hélène Théroux