Sur la couverture d’À la lisière, une renarde regarde vers l’arrière, comme pour nous inviter à la suivre. On y va ? Un train passe, on traverse une voie ferrée, on rampe sous une barrière métallique... Nous voilà dans un parc de jeux – le décor principal de ce bel album jeunesse. L’endroit est désert, fermé pour l’hiver. Pas d’humains, on les devine en creux : des objets traînent ici, les lumières de la ville brillent là-bas, à l’arrière-plan. Pas d’animaux à part la renarde : juste de l’artificiel, des canards à bascule, des chevaux sur ressort, une poubelle-ours*... Comme nous, la renarde explore, grappille, s’installe : elle sera notre guide tout au long de l’histoire.
Cette histoire, l’autrice-illustratrice Nina Neuray la raconte en peu de mots, astucieusement choisis. Ses images font une grande partie du travail. Tantôt sous forme d’illustrations occupant tout l’espace, tantôt sous forme de cases ou vignettes de bande dessinée, elles évoquent la nidification, les frontières qui se font et défont, le temps qui passe... Progressivement, d’autres animaux rejoignent la renarde, et tout ce petit monde vient, à sa manière, contribuer à la narration. Nina Neuray multiplie alors les détails amusants, pour le plus grand plaisir des jeunes lecteurices.
Ce que raconte À la lisière est terriblement actuel et pose vite question : quels territoires les humains laissent-ils aux autres animaux ? Comment cohabiter ? Qu’est-ce que le sauvage ? Le domestique ? Quelle place pour les deux ? Peut-on circuler de l’un à l’autre ? Nina Neuray met notre pensée en mouvement en se gardant de nous faire la leçon, et c’est l’une des forces de son livre. Mais cela ne doit pas nous faire oublier les principaux attraits de cet album : une histoire profonde contée avec ce qu’il faut de fantaisie, servie par une esthétique aussi exigeante qu’accessible.
Nina Neuray a illustré Les polis Topilins, écrit par Elisa Sartori. À la lisière est son premier album écrit et illustré. Vivement la suite !
Carine Simão Pires