Le 5 février 1925, Robert-Lucien Geeraert naît à Roubaix (Nord de la France) d'une mère française, commerçante en bonneterie et lingerie, et d'un père belge, vétéran du Congo et de la guerre 14-18.Il est baptisé à l'église catholique malgré un père protestant. La spiritualité tourmentée de Geeraert, sa foi et son doute s'exprimeront plus tard dans plusieurs recueils : Notre-Dame de Vie, Chemin de Croix, Table rase et surtout Le Huguenot brûlé Le poème Un Dieu, inséré dans Je reviens à la pierre est caractéristique à ce sujet...Robert-Lucien sera l'enfant unique du couple, et son enfance se déroulera dans une arrière-boutique mal éclairée, mal aérée, dans la solitude. Cette claustration engendrera peu à peu chez lui un grand désir d'espace et d'air : ses poèmes seront remplis d'images empruntées à la mer comme à la montagne. De plus, son expérience d'asthmatique le convaincra du rôle essentiel de la respiration.Arrivé à Tournai avec ses parents en 1938, il y achève ses études secondaires à l'athénée. Entre 1943 et 45, en pleine guerre, il étudie à l'École Normale et devient régent littéraire. Il avait une voix de ténor et aurait voulu être musicien-chanteur. Il sera écrivain... mais, par «compensation», une de ses filles sera plus tard soprano. Ses premiers poèmes, il les a écrits après avoir entendu la 7e symphonie de Beethoven, à 15 ans, et... le jour de ses funérailles, c'est, à sa demande, le Requiem de Fauré qu'on entendra.Dès le début, il habite le 375 de la rue Saint-Éleuthère. De là, il aperçoit les cinq clochers de la cathédrale et la campagne qui s'étend à ses pieds. Tournaisien dans l'âme, Geeraert restera toujours attaché à son pays de vie, son pays d'épaules vertes. Il écrira par exemple Poèmes pour une ville. Paysan de la chair et poète de l'arbre comme des fleurs et des fruits, il sera «écologiste» avant la lettre. L'humilité de l'arbre, traduit en italien, est un de ses meilleurs textes.Après son service militaire en Allemagne, il exerce divers emplois à Tournai, notamment dans une banque et une agence de pronostic. Il devient professeur de français à Comines d'abord, puis, en 1948, à l'Institut Don Bosco à Tournai, où il fera carrière. Ses premiers recueils seront écrits en alexandrins classiques et il écrira même un roman (1952). Il sera membre de divers jurys et il lui arrivera de prendre position contre les excès de la nouvelle linguistique, en défendant le bon sens et en prenant parti pour la simplicité terminologique.En 1949, il épouse Renée Chevalier, qui est institutrice. En dix ans, ils auront quatre enfants (un garçon et trois filles). Le poète écrira pour eux La corde à danser et À la claire maison. Un de ses derniers livres, Des mots nature, est de la même veine... Quant à son lyrisme amoureux et érotique, il se développera surtout dans L'appétit : chantre de la femme et du feu enfemellé, Geeraert célèbre la chair à petits. Dans un texte du Wagon de souffrance, dédié à Renée, il rendra encore grâce à la graine vive qui soulève la mort..En 1949 également, il fonde avec Roger Foulon, Remo Pozzetti, Gilbert Delahaye et quelques autres le groupe Jeune Tournay, section des Jeunes Écrivains du Hainaut. En 1952, avec le concours de J. Élan, il crée une association plus vaste, UNIMUSE, qui regroupe sans distinction d'âge les écrivains du Tournaisis, surtout les poètes. Dès lors, ses activités d'animateur se multiplient : récitals, conférences, concours de poésie, expositions, édition de recueils, publication d'anthologies diverses : Les poètes face à l'atome, Le mysticisme dam la poésie française contemporaine, Poésie du nord, De Jeune Tournay à Unimuse, jeune Tournay trente ans après...Geeraert, qui avoue être un rassembleur et «mystique de l'action», réalise, avec ses amis d'Unimuse, à Mont Saint-Aubert, plusieurs créations intéressant la poésie: d'abord, avec le mécénat de Géo Libbrecht, le Jardin des Poètes, cimetière où il repose maintenant aux côtés de Roger Bodart et Géo Libbrecht, Rachel Poulart de Guide et Robert Léonard; le Chemin des poètes en face du chemin des Pèlerins, où, chaque année, quelques vers sont épigraphés sur des dalles de pierre depuis 1975, et la Ducasse aux poètes qui a lieu annuellement depuis 1974 aux environs de la Pentecôte.Le poète tournaisien, qui a chanté souvent sa ville et le Nord, a entre-temps visité la France, l'Espagne, le nord de l'Italie, la Tunisie, mais surtout la Suisse, en «ascensionniste fervent» qu'il est, pratiquant la varappe du verbe sur le chaos de l'âme. En 1974, à la Dent blanche, l'alpiniste chevronné fait une chute assez grave, mais l'homme, lutteur courageux et coriace, revit assez vite de plus belle...Mais en avril 1982, alors qu'il parle avec ses amis de la publication d'une revue anthologique, Quatuor, qui connaîtra quelques numéros, Geeraert est atteint des premiers signes de la maladie. Opéré plusieurs fois à Wolumé, il trouve encore la force de publier Je reviens à la pierre et de préparer l'édition d'un autre recueil, Le wagon en souffrance.Comme l'écrit Gilbert Delahaye dans son essai, c'est le 21 novembre 1984 que l'hydre allait triompher de son acharnement à vivre.