Si la photographie a le don de reproduire à l’infini ce qui n’a lieu qu’une fois (Barthes), l’écriture a celui, tout aussi bouleversant, de mettre en mouvement des instantanés. C’est ce que le récit autobiographique de Philippe Herbet, photographe mais aussi – s’il était encore besoin de s’en assurer[1] – écrivain, expose avec clarté. Publié aux éditions Arléa dans la collection « La rencontre », Fils de prolétaire travaille le passage du temps en parcourant de petits tableaux d’un quotidien passé, délicats morceaux de souvenirs effrités dans la soupe du temps, toujours racontés au présent – pour pallier, peut-être, à cette sentence lapidaire et presque désintéressée : “Je n’ai pas de photos d’enfance.”Je papillonne, m’émerveille de…
C’est un objet à la couverture rigide, en papier qui paraît recyclé (mais qui peut-être ne l’est pas), d’une couleur kaki verdâtre et d’un toucher présent, avec une carte routière qui paraît être collée (mais qui peut-être ne l’est pas) d’où se détache un tracé, le fil rouge : « Une ligne capricieuse analogue aux veines céphaliques ou médianes parcourant les membres supérieurs, un serpent déplié dans sa course lente sur une rocaille au soleil à la recherche d’un refuge. » Un titre, Le sable. Le vent, et une origine doubles, Serge Delaive et Philippe Herbet.
C’est un livre qui désarçonne, qui se commence à une extrémité ou l’autre, il suffit de le retourner, au lecteur d’engager sa propre route. À l’intérieur, aucun numéro aux…