Madeleine Bourdouxhe a 89 ans, qui l’eût cru ? Quand je l’ai rencontrée en 1992 pour les besoins de mon mémoire, elle occupait, à Uccle, un petit appartement en-dessous de celui de sa fille. Elle me reçut, couchée sur un canapé ; en pull et pantalon beige, un béret négligemment posé sur ses cheveux blancs coupés au carré, une cigarette au bout de sa main levée. Elle s’étonna qu’une gamine de l’âge de sa petite-fille s’intéressât à son œuvre. Son attitude décontractée, son humour et sa spontanéité me surprirent, moi aussi. J’eus certes quelques difficultés à compléter sa biographie très lacunaire, car elle avait perdu la notion du temps et n’avait gardé de son passé que quelques souvenirs affectifs fragmentaires. Mais ses personnages n’avaient…
Madeleine Bourdouxhe, dont Gallimard a publié La femme de Gilles en 1937, soumet à l’éditeur en 1956 le manuscrit d’un nouveau roman, Mantoue est trop loin – après en avoir publié les premières pages dans Le Monde nouveau sous le titre Les temps passés. D’abord accepté, il est ensuite refusé sans explication. Sans doute l’avis favorable du comité de lecture n’a-t-il pas été suivi plus haut, devant cette œuvre complexe où les normes narratives classiques sont bousculées à plus d’un titre. Rappelons que l’autrice se lie vers 1949 avec J.P. Sartre, dont vient précisément de paraitre l’essai anticonformiste Qu’est-ce que la littérature ? À la même époque, N. Sarraute entame une série d’articles qui marquera…