Lydia Flem

PRÉSENTATION
Le samedi 27 novembre 2010, dans son discours de réception à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, au fauteuil n° 5 où elle succédait à Claire Lejeune, Lydia Flem se présentait comme « une petite fille, née des hasards et des détours de l’Histoire dans cette contrée surréaliste ». Jacques De Decker, qui recevait l’académicienne, soulignait son « désir très précoce d’appartenir au monde de la littérature et de l’art, hors et loin de la barbarie ordinaire des êtres humains ». Cette barbarie, ses parents ont dû en « subir les agressions sur les deux versants de la tragédie du siècle dernier », résumée dans Comment j’ai vidé la maison de mes parents (2004) en une formule tragi-comique : « ma mère, mon père, Hitler, Staline et moi ». Jacques De Decker a mis l’accent sur cette œuvre qui offre « une mise en partage de l’expérience propre, vécue comme l’attestation d’une épreuve que l’écrivain soumet à la collectivité des lecteurs afin qu’ils y trouvent un écho et, en fin de compte, un réconfort ». Son père, Boris Flem (1923-2001) était né à Saint-Pétersbourg dans une famille d’intellectuels qui dut s’exiler à Hambourg puis aux Pays-Bas. Lui-même se retrouva seul à Charleroi, d’où, à dix-huit ans, il fut déporté dans un camp de travail en Bavière jusqu’en 1945. Sa mère, Edith Esser (1921-2003), était née à Cologne dans une famille de commerçants et d’antiquaires qui, à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, émigra à Strasbourg avant de s’installer à Tours. Sous le nom de Jacqueline Monnier, elle participa à la Résistance française avant d’être arrêtée à Grenoble, puis déportée de Lyon à Auschwitz, par Barbie dans le convoi n° 78, le 11 août 1944. Ses parents se rencontrèrent dans un sanatorium à Leysin en 1946 et échangèrent pendant trois ans plus de 750 lettres. «Je suis née de leur correspondance amoureuse», raconte Lydia Flem dans Lettres d’amour en héritage (2006). Après avoir achevé sa scolarité au Lycée royal d’Etterbeek, elle étudie les sciences politiques et la sociologie à l’ULB. Son mémoire porte sur «La Responsabilité sexuelle», l’émission de Menie Grégoire dont elle devient l’assistante à RTL, Paris, en 1974-1975, avant d’entreprendre des études de psychologie à l’Université de Nice, puis de se former à la thérapie d’enfants à l’Université de Louvain, sous la supervision de Françoise Dolto. Lydia Flem entre à la Société belge de psychanalyse en 1986, moment où Maurice Olender édite chez Hachette son premier livre, La Vie quotidienne de Freud et de ses patients. Bernard Pivot l’invite à Apostrophes et elle connaît son premier succès public. C’est aussi à partir des années 80 qu’elle collabore à la revue, lieu d’explorations entre sciences humaines et littérature : les relations précoces mère-enfant (Les Liens du regard), la rumeur (Bouche bavarde et oreille curieuse), le masculin (Le Stade du cow-boy), etc. Invitée à prendre la parole sur l’enfance, le deuil, Freud, ou Casanova, elle participe à des séminaires et colloques en France (Laboratoire d’Anthropologie, ENS, etc.), à la Fondazione Cini, Venise, ou à l’Université John Hopkins, Baltimore. Maurice Olender, son compagnon et son éditeur, avec qui elle forme, selon Jacques De Decker «un binôme particulièrement créatif», l’accueille dans sa collection, au Seuil, «La Librairie du XXIe siècle». Dans ses essais L’Homme Freud (1981), Casanova ou l’exercice du bonheur (1995), ou l’amour à l’opéra (La Voix des amants, 2001), comme dans ses autofictions, Lydia Flem tente de cerner le quotidien et le singulier pour rejoindre l’universel, attentive aux forces obliques de la survie comme à une sagesse malicieuse. Dans un style limpide et pudique, par petites touches successives, à la manière de la peinture impressionniste ou d’une phénoménologie du sensible, elle cherche à décrire la complexité des sentiments humains. Pour Claude Burgelin, professeur de littérature à Lyon et spécialiste de Perec, «l’art de Lydia Flem est fondé sur une éthique, très immédiate et subtile à la fois, du partage comme de l’interrogation socratique. Elle met le lecteur à côté d’elle et pose avec lui, devant lui, les questions qu’elle a à résoudre. C’est donc plus à une histoire de soi qu’à une quête autobiographique version Rousseau ou Leiris qu’on a affaire». En 2006, son roman Panique est couronné par le prix Eugène Schmits de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, méditation sur le temps, exploration de l’angoisse extrême et tentative de reconquête. Depuis 2008, souvent rattachée au courant de la «photo-littérature», son œuvre photographique, Journal implicite. Photographies 2008-2012, est très largement commentée et étudiée comme son œuvre littéraire. Pour Jean-Luc Monterosso, fondateur de la Maison européenne de la photographie à Paris, Lydia Flem «autobiographie le réel». À propos de sa série «Clefs sur l’échiquier», Yves Bonnefoy a écrit : «Lydia dispose les clefs des chambres du “vieux palace” sur les cases d’un échiquier, c’est-à-dire dans cet espace à la fois loi et désir où se sont affrontés à travers les siècles le camp du mal, du désespoir en puissance, et le vœu également éternel de tenter d’être, le will to be qu’Hamlet n’aura pas su vivre.» La Reine Alice (2011) a reçu le prix Rossel des Jeunes et le prix Pierre-Simon Éthique et société.
PORTRAITS ET ENTRETIENS
Le Carnet et les Instants

Depuis Comment j’ai vidé la maison de mes parents, l’œuvre de Lydia Flem, écrivaine, photographe et psychanalyste, accompagne nos vies. Nous y (re)venons quand nous avons besoin de reprendre espoir, de croire que l’impasse n’est pas fatale. Que les jours, tout de même, méritent d’être vécus. L’autrice de Paris fantasme écrit en douceur, comme en confidence. Avec une liberté trouvée qui l’autorise à mêler ses mots à ceux de Freud, Casanova…, à la correspondance de ses parents.
L’entretien a eu lieu dans son beau jardin bruxellois, une matinée ensoleillée, au début de l’été. Le ton était amical, introspectif, tantôt souriant, tantôt inquiet. Nous accompagnaient ce jour-là ce que cet article ne pourra rendre : le chant des oiseaux…

PRIX
NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

La rue Férou est une petite rue parisienne, d’une dizaine d’immeubles à peine. Elle va de la Place Saint-Sulpice au Jardin du Luxembourg. Sise aux confins de Saint-Germain-des-Prés métamorphosé en marché du luxe, elle échappe à la marchandisation et au tourisme international, bien que les roulettes des valises des voyageurs Airbnb y résonnent parfois. Travaillée par des questions existentielles (« Qu’est-ce qui donne le sentiment d’être chez soi quelque part ? D’habiter tout à la fois son corps, sa maison et le monde ? »), Lydia Flem, auteure de l’inoubliable Comment j’ai vidé la maison de mes parents, dans son dernier livre, Paris Fantasme, consacre à cette venelle une réflexive et inventive promenade historico-littéraire.Cinq cents pages pour cinq cents…


Le Carnet et les Instants

On mesure toute la nouveauté de La vie quotidienne de Freud et de ses patients à l’occasion de sa réédition plus de trente ans après sa parution. À une époque où les études psychanalytiques étaient placées sous le signe de la théorisation, où l’œuvre lacanienne, son « retour à Freud », imposait sa puissance, ses réorientations —structuralisme, topologie… —, la psychanalyste Lydia Flem fraie une nouvelle approche de l’inventeur de la psychanalyse, de ses avancées conceptuelles, de ses patients, de son époque.Replongeant la généalogie de la psychanalyse dans le contexte viennois de la fin du XIXème siècle, Lydia Flem réancre les conquêtes théoriques dans la pâte sensible de l’existence de Freud. S’arracher, comme le fit Freud, à la science de son…


Le Carnet et les Instants

Je me souviens d’un précédent livre de Lydia Flem, Comment j’ai vidé la maison de mes parents.Je me souviens que je l’avais beaucoup aimé, moi qui ne sais me séparer de rien.J’ai souri en lisant les premiers souvenirs évoqués dans ce Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans qui ouvre la boîte de Pandore.J’ai été interloquée quand j’ai feuilleté le bouquin.J’ai continué en me disant que ça ne pouvait pas me faire de tort.Assez vite, j’ai commencé à jouer au petit jeu du « Tiens, moi aussi » ou du « Ah, moi pas ».Au 62, je me suis dit « Heureusement, il y  a prescription ».Au 89, le bonheur de retrouver la bonne vieille combinaison (toute une époque !).J’ai bien aimé passer du « Je n’ai rien à me…


Le Carnet et les Instants

 Et les modernes?
– Je crois qu’il n’y en a encore jamais eu de modernes. Peut-être un peu Freud, peut-être ! ou bien Rembrandt. (Jean-Pierre Léaud pour Godard)
A l’orée du XXe siècle, un homme a découvert une terra incognita.dont les horizons étaient si vagues qu’au moins pouvait-on imaginer qu’elle serait immense. Là pourtant n’était pas le plus impressionnant. Ce qui l’était davan­tage, et qui en a fondé la modernité, c’était l’invention, par le même homme, d’une méthode d’exploration originale. Devant la découverte de l’inconscient, la psycha­nalyse s’est élaborée ainsi par le travail du seul Sigmund Freud.
Or, toute entreprise vraiment novatrice ne peut être décrite qu’au moyen d’analogies et de métaphores. Freud…


Le Carnet et les Instants

Lorsque nous l’avions rencontrée à l’occasion de la parution de Paris fantasme (Le Carnet et les Instants n°209), Lydia Flem nous avait rappelé que même si cela n’apparaissait pas à la majorité de ses lecteurs, les sciences humaines avaient été ses « balises depuis toujours ». En parallèle de sa carrière d’écrivaine, de psychanalyste et de photographe, elle a publié de nombreux articles, entre autres dans Le genre humain, dirigée par Maurice Olender, également à la conduite de la réputée collection « La Librairie du XXIe siècle », aux éditions du Seuil, où elle a publié la quasi-totalité de ses livres, dont son inoubliable trilogie familiale (Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Lettres d’amour en héritage et Comment je me suis séparée de…


Le Carnet et les Instants

On a tourné la page, on dit souvent cela, ou il faut dire cela, on a tourné la page, après la disparition d’un être cher, quand la vie a repris ses fonctions, plus ou moins comme avant. On a tourné la page peut-être, ou plutôt une page, plusieurs, plusieurs sûrement, mais jamais on n’a refermé le livre. On a continué, on continue et on continuera à vivre avec nos disparu·es. À s’en souvenir. À les aimer. À inventer « des liens féconds » avec eux. Au point d’en être métamorphosé·e. Le don des morts, avait titré un de ses livres Danièle Sallenave.Peu de celles et de ceux qui ont lu Comment j’ai vidé la maison de mes parents de Lydia Flem, paru sous une couverture bleu lavande en 2004 aux éditions du Seuil, dans la collection « La librairie du XXIe siècle »,…