BIOGRAPHIE Joseph Vrindts est né le 7 avril 1855, rue Grivioule (dans le prolongement d'une actuelle rue Joseph Vrindts), en Outremeuse, le plus riant des quartiers populaires de la Cité ardente. Dès la fin des années d'instruction à la communale des Récollets, il entre en apprentissage chez un cordonnier, au premier étage du Café de la Place. La famille, en effet, est très pauvre. Le père, ouvrier mineur, est mort dans un accident de la mine. Joseph n'a pas le loisir de participer aux jeux des enfants du quartier car, lorsqu'il quitte la cordonnerie, il aide encore sa mère à faire la lessive, au Paradis dès Tchvas (quai Sainte-Barbe). Sa seule distraction d'alors est la lecture. Il lit surtout le recueil de vers français d'Achille Millien :
La Moisson (1860), qui l'enchante et aura une profonde influence sur sa vocation littéraire. Dans la préface, il trouve à faire sien un credo selon lequel il faut asseoir la poésie moderne sur la poésie populaire, c'est-à-dire demander à cette dernière la simplicité de son style, l'ingénuité de son sentiment, la fraîcheur de ses images, les gracieux contours de ses tableaux.
Sa carrière de littérateur commence en 1872 : il n'a que dix-sept ans. Il compose deux chansons qu'il interprète lui-même dans les cabarets populaires au sein d'un répertoire de vieilles chansons traditionnelles. Joseph Vrindts est poète du dimanche par nécessité, car les autres jours, il travaille pour assurer sa subsistance. Il aura été successivement cordonnier, tailleur de tiges à Verviers, tailleur de cuir, gérant d'un magasin de chaussures dans le centre-ville, graveur. En 1890, il tente de s'établir dans un fonds de librairie, rue Basse-Wez, mais le commerce périclite bientôt; il devient alors agent de change, puis fabricant d'armes. En 1902, il ouvre un cabaret wallon, qui existe toujours, rue Jean d'Outremeuse. En 1907, enfin, il est nommé bibliothécaire à l'administration communale, laquelle lui demandera de dresser le catalogue des bibliothèques wallonnes.
Sa carrière de littérateur suivra le parcours typique des auteurs populaires. Formé sur le tas par l'enthousiasme et l'intuition, il sera d'abord chansonnier, confirmant par là que le sentiment poétique au cur des peuples s'exprime mieux par la parole que par l'écriture, et mieux encore par le chant. Aussi, pasquèyes, fables lyriques et poèmes à dire seront-elles ses premières uvres.
En 1874, il est reçu par le Caveau liégeois, cercle dramatique et littéraire, qui élit ses membres sur présentation de quelques uvres. Vrindts présente des pièces en français et en wallon. Son parrain littéraire, le poète Saline, lui conseille de se consacrer entièrement à l'expression wallonne. De fait, le wallon est la langue maternelle de Joseph Vrindts. C'est également la langue de son quartier, auquel il restera attaché toute sa vie. Vif, alerte, enjoué, étonnamment descriptif, le dialecte convient parfaitement aux effusions lyriques et aux observations pleines de tendresse familière qui constituent les penchants naturels de l'auteur.
En 1882, il fait partie de l'Association des auteurs dramatiques wallons. C'est l'amorce pour Vrindts d'une participation plus active à la vie culturelle de la région. Il écrit des saynètes, des tableaux populaires, des comédies en un acte, parmi lesquelles on compte
On Djûdi d 'fièsse,
Li Manèdje d'a Lambièt,
Li Sièrment da Grétry, et surtout
Li Gueûyc di leûp, dont le tirage atteint les dix mille exemplaires, et qui est couronné par la Société de littérature wallonne. Cette comédie traditionnelle met en scène Guignol et le Commissaire et alterne les scènes de rue avec des chants.
En 1888, il figure parmi les membres fondateurs du périodique d'expression wallonne
Li Spirou. Il participe également, sous le pseudonyme de Crincrinî, au périodique
Li Mestré. Il rédige en outre l'
Almanach des Qwate Mathy.
Il entreprend par la suite une chose très neuve pour l'époque et qui restera dans la littérature wallonne : un roman.
Li Pope d'Anvers (
La Poupée d'Anvers, 1896) est le récit, empreint d'un réalisme chatoyant, des malheurs sentimentaux de Madame Nomard. Conscient de se trouver en terre d'aventure, l'auteur se justifie dans une préface qui exprime bien son souci de valorisation des uvres dialectales : «Il en faut de ceux-là qui risquent, pour montrer aux autres, où l'on va trébucher. Pour autant que je parvienne à faire prendre l'habitude à mes camarades de suivre cette route qui est encore si peu battue, je serai content» (Traduction d'O. Servais).
Plusieurs recueils de poèmes ont jalonné sa vie d'écrivain.
Bouquèt tôt fait (1893) aura bénéficié d'une préface de Defrecheux, et
Pâhûles rîmais (1897) d'une présentation par Maurice Wilmotte. En 1898, ce sera
Li lingadje et akseignance des fleûrs et plantes wallons. Il fait paraître en 1901 un recueil de chansons,
Vîs aîrs et novês rèspleûs. 1914 voit la publication de ses
Poèmes dèl guére. La poésie de Vrindts laisse chanter l'âme dans sa simplicité d'enfant.
À partir de 1901, il se met à la rédaction des volumes de
Vî Lîdge, en collaboration avec le peintre Jean Vuidar. C'est une évocation du Liège d'antan, due à ses souvenirs, dont la fidélité jusque dans les détails a été admirée par nombre de connaisseurs.
L'heure des consécrations se met bientôt à carillonner pour Joseph Vrindts. En 1897, deux de ses crâmignons sont exécutés par 1.500 élèves des écoles primaires de Liège pour l'ordonnancement de la réception du prince Albert. En 1912, il est promu, en même temps que Henri Simon, chevalier de l'Ordre de Léopold. En 1923, il sera fait chevalier de la Couronne, alors qu'au Théâtre royal de Liège on célèbre le cinquantenaire de sa carrière d'écrivain. Le 9 mars 1940, il apprend sa nomination à l'Académie au fauteuil de Henri Simon. Il s'éteint quelques mois plus tard, le 6 novembre.