Voilà bien quatre décennies que Jack Keguenne, ce bourlingueur de l’écriture visuelle regardée en miroir – graphie pour graphisme –, ce dérouilleur des mots – écrits au petit bonheur la chance –, éparpille, disloque, dézingue le quotidien des jours. Il agit sans s’assagir, en écrivant ardent, en écrivain éruptif, en « concubin des dictionnaires », en poète colocataire des lettres, celles qui forment des alphabets indociles et rétifs, « une broderie de lettres qui fait tissu de sens », plutôt que celles qui s’inscrivent dans les actes notariés des institutions.Aussi l’attend-on toujours au tournant, se disant que chez lui on trouvera, une fois la moisson et les tempêtes passées, une cargaison de poèmes où il aura, pour le plaisir et, parfois, le déplaisir…
Ouvrez Au grand jour au hasard et voyez la page de droite. Un dessin entre crayon et fusain d’Alexandre Hollan prend le regard et pénétrez-y. Un fouillis de pensées commencent à s’immiscer entre les vides et pleins. Alors sans attendre, passez au premier vers sur la page de gauche. Entrez-y à l’invite de Jack Keguenne.Les deux-trois premiers vers résonnent directement. Ils font écho au dessin. Il est facile, voire évident de s’y approprier les traits d’Alexandre et les mots de Jack. Une silencieuse conversation à trois se met en place, en route.Puis Jack s’écarte, bifurque les vers suivants, vers ses propres sphères. Comme Alexandre de son côté, dont les entrelacs gris et cassés ont leur propre vie, avec leur évidente énergie et des envies de sortir du livre. Sans…