Hubert Krains voit le jour le 30 novembre 1862, aux Waleffes, en Hesbaye. Son père est ouvrier agricole. À l'âge de seize ans, il doit renoncer à ses études pour prendre part aux travaux de la famille. Tenté par la carrière de fonctionnaire, il réussit des examens d'aide-télégraphiste et est engagé dans l'administration des postes. En 1882, il quitte définitivement sa région natale pour Bruxelles où il est nommé. Ces vingt premières années marqueront irrévocablement sa future carrière littéraire. Sans cesse, ses livres auront pour centre l'évocation réaliste du monde paysan, qui, outre sa valeur documentaire, sera le point de départ de sa conception de l'humanité.
Dans la capitale, le jeune Krains entre en relation avec les milieux littéraires grâce à l'intervention d'une autre déraciné, Hubert Stiernet, qui le présente à Albert Mockel. Après quelques tentatives poétiques auprès de La Jeune Belgique, Krains se rapproche de La Wallonie. En rupture avec le naturalisme flamand, la revue prône une vision édulcorée de la vie campagnarde, veine dans laquelle s'inscrivent Louis Delattre et George Garnir. Mais Krains est plus proche d'Eekhoud, avec qui il fonde Le Coq rouge, en 1895. Durant cette période, il ne cesse d'écrire et, à partir de 1889, commence à collaborer aux principales revues du pays, multipliant les récits romanesques.
Les Bons Parents, qui réunit ses premiers essais, paraît en 1891. Le livre, marqué par les événements sociaux de la fin du siècle, laisse déjà entrevoir ce que seront les principales caractéristiques de œuvres de Krains : la schématisation de types humains et sociaux qui débouche sur une stylisation saisissante, l'antagonisme des classes pauvres, pour lesquelles il prend parti, et des classes riches, à l'encontre desquelles s'exerce son ironie. Son deuxième livre, Histoires lunatiques (1895), auquel le fantastique donne son unité, témoigne d'une voie qui se cherche encore. En 1894, il épouse Juliette Thibaut, originaire de la même région que lui.
Parallèlement à ses avancées dans le monde des lettres, il poursuit sa carrière administrative avec un succès certain : en 1895, il est nommé secrétaire du bureau international de l'Union postale universelle à Berne. Cette position lui permettra de voyager assez régulièrement. Mais l'ascension sociale que lui vaut cette promotion brise en un sens ses aspirations naissantes d'écrivain puisque Krains, mal intégré aux milieux mondains et littéraires de la Suisse, passera seize ans dans ce qu'il ressentira comme un véritable exil. Il n'en continue pas moins ses diverses collaborations aux revues de son pays. Dans les œuvres qui suivent, certains ont pu voir l'expression nostalgique d'un désir de retourner aux sources de son inspiration, la Hesbaye, dont il vit désormais éloigné.
Avec Amours rustiques (1899), autre recueil de nouvelles, Krains trouve son originalité et réalise une coïncidence très réussie de la forme, dépouillée, et du fond : élargissant les sujets qui l'avaient intéressé jusqu'ici, il s'attache à l'histoire d'une destinée qui se défait, thème que l'on retrouvera dans Le Pain noir (1904). Ce livre, le chef-d'œuvre de Krains, met en scène la déchéance parallèle d'un couple d'aubergistes, ruinés par l'arrivée du chemin de fer, et de leur nièce, séduite et abandonnée, puis épousant un homme qu'elle n'aime pas. Une conception très pessimiste de la condition humaine, broyée par un destin inexorable et par la misère sociale, anime le roman. Sur le ton du constat, Krains décrit sans rousseauisme inutile l'inadaptation des personnages face au progrès symbolisé par le train. La peinture de figures rurales typiques, brossées à grands traits, annonce un genre nouveau qui trouvera son expression dans Mes amis. Avec Figures du pays (1908), un ensemble de nouvelles dont la plupart étaient parues en revues, Krains cherche visiblement à se renouveler. À partir de 1900, sujet à des crises de découragement et de misanthropie, il songe à revenir en Belgique. Malgré une nouvelle promotion, c'est chose faite en octobre 1911.
Après la guerre, Krains accède à une certaine notoriété. Il succède à Octave Maus à la tête de l'Association des écrivains belges. Dans le cadre de ses fonctions, il intervient auprès des autorités compétentes pour que les bibliothèques publiques consacrent une partie plus importante de leur budget à l'achat de livres d'auteurs belges. En 1921, Mes amis lui vaut le Prix quinquennal de littérature. Ce livre, lui aussi salué comme un chef-d'œuvre, s'efforce de saisir à travers deux personnages typiques, qui apparaissent au long des quinze scènes qui le composent, l'essence du monde paysan et au-delà, son humanité éternelle. Le régionalisme de l'auteur s'est radouci au profit d'un certain hédonisme, qui opère un revirement dans une œuvre fort sombre.
La réédition du Pain noir couronne ces années de consécration officielle. Mis à la retraite au sommet de son parcours administratif — il est directeur général des Postes depuis 1925 —, Krains se consacre surtout à une œuvre de critique. On retrouve sa signature dans de nombreux journaux ou périodiques, comme La Renaissance d'Occident, la Revue franco-belge ou La Nervie. Il s'intéresse à un jeune écrivain mosan, Jean Tousseul, dont il assiste les débuts difficiles. Mais, obligé d'éditer à ses frais ses derniers livres dont Au cœur des blés (1934), il souffre de cet échec commercial, dans lequel il voit une preuve de l'indifférence du public à son égard. Le 10 mai 1934, au retour d'une excursion, il meurt, broyé par les roues d'un train, comme le héros du Pain noir. Il faisait partie de l'Académie royale de langue et de littérature françaises depuis sa fondation.
En 1937, trois contes paraîtront dans L'Âme de la maison. Ce recueil luxueux répond au vœu du Commissariat général du gouvernement belge pour l'Exposition de Paris, de voir s'associer étroitement l'art et la technique dans l'imprimerie.