Éric Allard a de l’esprit et un amour de la littérature suffisamment fin pour pouvoir la taquiner, la moquer ou même la houspiller. Dans son livre récent Les écrivains nuisent gravement à la littérature, il nous offre, de page en page, ses «Maux d’auteurs, vices de lecture et autres calamités littéraires » avec la jubilation d’un amoureux attentif.Nous entrons dans une époque singulière de l’histoire littéraire où on distingue nettement 30l’écriture de la littérature. On constate de plus en plus une floraison de livres appartenant plus au genre « Loisirs et divertissements » qu’à une solide littérature. Qu’est-ce qui ferait la différence ? Les lieux communs, les situations sans autre motif que la « description » de ce que les naïfs…
Éric Allard est une figure discrète mais importante du microcosme littéraire belge : on lui doit une œuvre décalée, dédiée à la forme courte (nouvelles, aphorismes, poésies), au clin d’œil, au doute, au grincement, mais, tout autant, l’animation d’une plateforme littéraire collective, Les belles phrases, offrant une alternative indépendante de haut niveau à la médiation classique mais aussi aux blogs (trop) personnels. Côté création, les précédentes publications de l’auteur étaient des réussites : La maison des animaux, une fiction enjouée chez Lamiroy en 2020, et Les écrivains nuisent gravement à la littérature, déjà au Cactus Inébranlable, en 2017. Grande vie et petite mort du poète fourbe, on peut le deviner dès le titre, prolonge la séquence ouverte…
Le dernier recueil en date du poète Éric Allard, La blessure du blé, rend compte d’un double univers : celui de la disparition et, dans la même permanence, des désirs inextinguibles de notre présence ici-bas. Dans un langage qui devient, de recueil en recueil, la langue originale de l’auteur, il nous laisse entendre la chanson de la mélancolie joyeuse.Le poète est habité surtout par la sanctification de la puissance de la grâce d’aimer ce monde quoi qu’il advienne. Nous pauvres humains faisons parfois presque ce qu’il faut pour lui rendre hommage. Cette forme de disparition de l’innocence est souvent la trace dans notre humanité.Éric Allard chante, dans des vers à peine douloureux mais toujours frappés par la béance de la disparition, l’inéluctable retour aux sources…