Anne François   1958 - 2006

PRÉSENTATION
Anne François lit six langues. Elle a voyagé, enseigné dans le secondaire, fait jouer une pièce de théâtre, réalisé des courts métrages, des émissions de télévision littéraires et médicales, organisé des ateliers d'écriture... Elle est de ces femmes qui "font" la RTBF et qu'on ne voit jamais, alors que le succès de Nu-tête a fait d'elle un écrivain connu. Lauréate du prix Rossel, elle en est à présent membre du Jury. Après la belle émission Si j'ose écrire, conçue et présentée par Dolorès Oscari, elle réalise actuellement Dites-moi de Michèle Cédric, sans perdre de vue son troisième roman en cours d'écriture. C'est une femme qui vit au rythme de son temps. Ses activités professionnelles lui permettent, comme elle le déclare elle-même, de valoriser le travail des artistes et plus spécifiquement encore des auteurs et des poètes, tandis que ses romans témoignent d'un intérêt passionné pour le facteur humain : l'amour, la souffrance, la mort qui guette... Une oeuvre pudique et réaliste qu'il convient de lire comme un témoignage sur son époque. Les romans d'Anne François ne sont pas autobiographiques. Cécile, l'héroïne de Nu-tête, et Lucile, celle de Ce que l'image ne dit pas, sont des êtres de papier. Le lecteur est prévenu dès la première page de chaque livre : "Ce roman est une oeuvre de fiction, toute ressemblance avec des personnages, des situations ou des lieux réels ne serait que pure coïncidence". La vérité des deux oeuvres est ailleurs. Ecrivain réaliste, Anne François situe des personnages imaginaires dans des lieux et des situations qu'elle connaît, qu'elle a rencontrés elle-même en d'autres circonstances. Passionnée de danse, mais romaniste de formation, elle crée le personnage de Cécile, jeune danseuse obligée par la maladie de renoncer à son métier. Les étapes de la maladie de Hodgkin si scrupuleusement décrites, elle les a connues elle-même en 1980-1981. Elle en a guéri et, si elle se fiance en 1982, ce n'est pas avec le médecin. Les connaissances qu'elle a puisées dans la maladie pour écrire son premier livre, elle les demande pour le second à son métier. C'est la réalisatrice de la RTBF qui imagine un reportage chez une femme qui vit seule avec une enfant autiste. Les remerciements qu'elle adresse en postface à "Lucile" nous éclairent sur une de ses sources d'information. Trois lignes de force soutiennent la vie de cet écrivain. Le goût des lettres se manifeste le premier quand elle choisit la philologie romane à Louvain (1976-1981). Il chemine dans l'atelier d'écriture romanesque ou le séminaire d'écriture théâtrale. Il se montre au grand jour avec une pièce de théâtre Marthe et le mandarin (1987). Il trouve sa consécration dans la publication de deux romans, Nu-tête (1991) et Ce que l'image ne dit pas (1995). Il se manifeste encore avec l'adaptation théâtrale du Petit homme d'Arkhangelsk de Simenon (2003). Un troisième roman, Du tango comme art martial, est en cours d'écriture. Le goût de l'image et du spectacle est une seconde ligne de force. De brillantes études à l'INSAS (1984-1988) lui permettent, après avoir occupé divers postes d'assistante et de régisseur sur films de long métrage (Patrick Conard, Lili Rademaekers, Claude d'Anna, Herman Van Eyken) et au journal télévisé de la RTBF, d'être nommée réalisatrice à la RTBF. Mais le portrait d'Anne François serait incomplet si l'on omettait les noms de ses deux fils. Adrien, né en avril 1991, entre l'assurance de la carrière (1990) et la publication de Nu-tête (août 1991), bientôt consacré par les prix Rossel et NCR (National Cash Register), illumine l'année de tous les bonheurs. En 1994, Hugo précède de peu le second roman. Anne François, née à Hasselt le 20/09/1958, est dans la force de l'âge. Nous rencontrerons encore son nom. Anne François est décédée en 2006 au terme d'une longue maladie.
PRIX
NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

Les Femmes de Lettres belges existent, on le sait. De tout style, de toute encre, mais aussi de tout temps ; cela, on le sait moins. Le genre (avec toute la délicatesse qu’impose le maniement de ce terme), en lui-même, ne suffit pas à conférer une quelconque valeur à une production artistique. Certes. Mais il ne peut en aucun cas contribuer à lui ôter visibilité, reconnaissance ou/et légitimité. C’est en cela que la démarche de la nouvelle maison d’édition « Névrosée » s’avère essentielle, et juste : empêcher l’éclipse d’auteures tenues dans l’ombre, par le biais de rééditions de textes importants. Parmi ces énergies scripturales multiples, diverses, bigarrées mises en avant dans la collection « Femmes de lettres oubliées », le Nu-tête d’Anne…


Le Carnet et les Instants

Nu-tête, paru chez Albin Michel, vient de valoir à Anne François le Prix NCR, chose qui ne doit pas lui peser davantage que son couronnement au prix Rossel. Anne François joue les frêles, mais c’est pour mieux ne pas gaspiller cette étonnante volonté qui transforme les êtres éprouvés en vrais écrivains. Ecrire, dit-elle, comme on filme. Un film que nul ne verrait jamais sur grand écran, un film destiné à l’intime projection de la lecture. A quel cinéma joue-t-on ? Deux personnages, le médecin et la danseuse, s’apprivoisent en un long champ/contre-champ de cent quarante pages. Très « Nouvelle vague », ils ne se disent presque rien, le corps suffit d’abord à faire plier tous les langages. Ils racontent, chacun à leur tour, et sans désordre, les affres et désastres…