Stanislas-André Steeman   1908 - 1970

PRÉSENTATION
Un moment éclipsée par la gloire de Simenon, l'oeuvre de Steeman jouit aujourd'hui d'un regain d'intérêt. Steeman, qui a comme son aîné œuvré à l'introduction de la psychologie dans le genre policier, apparaît en effet aujourd'hui, à juste titre, comme un maître du roman à énigme. Au modèle classique anglais - où le meurtre est le point de départ d'un jeu logique -, l'auteur ajoute le sens du suspense, de la cocasserie et du jeu. Car Steeman joue sur un clavier très large. Chez lui, la rigueur dans la construction va de pair avec une réinterprétation très souple de la tradition policière. Son sens de l'humour autorise l'auteur à se moquer des conventions du genre, qu'il sait parfois respecter jusqu'à la parodie. Ce n'est pas le moindre mérite de Steeman que d'avoir contribué à la naissance du policier français tout en lui ayant d'emblée assigné des limites très larges. Stanislas-André Steeman est né à Liège le 23 janvier 1908. Contrairement à Georges Simenon, ce n'est pas dans la Cité ardente qu'il vit ses heures d'adolescence. Il émigre tôt à Anvers où il fera ses études. Mais, comme dans le cas de son célèbre aîné, c'est une carrière de journaliste tôt commencée qui constitua son écolage d'écrivain. En 1924 - il a donc 16 ans - , il entre au quotidien La Nation belge, où il restera cinq années. Classiquement, il y commence par la rubrique des faits divers, pour se voir ensuite confier des tâches réputées plus nobles : reportage et critique cinématographique... Mais la vocation de l'écrivain est plus précoce encore : c'est à quinze ans qu'il publie son premier texte dans la Revue sincère, à laquelle il resta longtemps fidèle. Et c'est à même pas vingt ans qu'il publie ses premiers livres : des contes et des nouvelles. Très vite, l'auteur oblique vers la voie du policier. Il avait rencontré, à La Nation belge, un collègue avec qui il devait un moment faire tandem : Sintair - anagramme de Sartini - et Steeman signent ainsi Le mystère du zoo d'Anvers en 1928. Mais au début des années 30, Sartini retourne au journalisme pur, et Steeman s'oriente plus résolument encore vers le policier. C'est en 1929, en effet, qu'il publie son premier livre écrit en solo : Péril. La reconnaissance suit rapidement ces premières manifestations d'originalité, puisque Six hommes morts est couronné en 1931 par le "Grand prix du roman d'aventures". Cette époque est très féconde : en quelques années, Steeman écrit une douzaine de livres, dont La nuit du 12 au 13, Un dans trois, Les atouts de Monsieur Wens, L'ennemi sans visage, La maison des veilles, L'infaillible Silas Lord. C'est au cours de cette période qu'apparaît le héros fétiche de Steeman : Wenceslas Vorobeïtchik, connu sous le nom de Monsieur Wens. Ces premiers romans sont principalement publiés dans la grande collection Le masque, où commencent à paraître les romans noirs américains. Comme la plupart des titres de la série, les récits du jeune auteur sont de facture classique : situations closes, rigueur de la narration. Mais Steeman opte non pour le roman-problème à l'anglaise, mais pour un policier plus souple, où la subtilité psychologique joue un grand rôle. La part faite à la psychologie sera plus importante encore dans les romans de l'immédiat avant-guerre. La carrière de Steeman connaît un premier sommet avec L'Assassin habite au 21 (roman qui constitue un retour à la formule classique, et qui fut réédité à de nombreuses reprises), puis avec Légitime défense, que le succès cinématographique rebaptisera Quai des orfèvres. Pendant la seconde guerre mondiale, Steeman est directeur littéraire du Jury. Le Jury est à la fois un bi-mensuel, publiant de brefs récits et des notes critiques, et une collection de romans. Cette collection connut un réel succès auprès d'un public que les malheurs du temps orientent volontiers vers la littérature d'évasion. Elle permit à Steeman d'offrir un large lectorat à la production policière belge, en même temps que de découvrir ou de confirmer de nombreux talents (dont ceux de Paul Kinet et de Max Servais). Cette époque difficile est aussi celle du groupe des "Auteurs Associés", où Steeman côtoie Jules Stephane, Thomas Owen, Jean Ray. Après la guerre, Steeman, qui souffre du cœur, se retire dans le midi de la France. Après un intermède journalistique, il y écrira encore, jusqu'en 1962, un nombre important de romans, de facture plus libre que ceux de la première vague : Dix-huit fantômes, Poker d'enfer, Six hommes à tuer, La morte survit au 13, Le condamné meurt à cinq heures, Faisons les fous. C'est sa seconde période de production intense, dont profitent les Presses de la Cité. Après huit ans de silence, il meurt à Menton en 1970. Steeman a également adapté quelques uns de ses récits pour le théâtre.

BIBLIOGRAPHIE


NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

On ne l’a pas assez souligné, le roman Légitime défense est truffé de mentions relatives au jeu et au théâtre, en particulier aux jeux de cartes. Ces mentions sont purement incidentes et très disparates, de sorte qu’elles peuvent aisément passer inaperçues. Qu’on en juge. Les deux héros, l’artiste-peintre Noël et son épouse Belle habitent à l’arrière d’un magasin de jouets, dont la réserve se trouve au rez de leur logement. Les fenêtres de celui-ci donnent sur un jardin où jouent et chantent de jeunes pensionnaires. Le riche collectionneur Weyl, qui réside avenue Sémiramis – titre d’un opéra de Rossini – les reçoit deux fois par semaine pour une partie de cartes. Si Mme Weyl est absente le soir du crime, c’est pour cause de bridge chez des amis. Ayant…


Le Carnet et les Instants

La réédition d’une œuvre de Stanislas-André Steeman est toujours bienvenue. Elle rend aussi justice à un pionnier du roman policier moderne et à un écrivain que la critique française, rappelons-le, avait comiquement qualifié de « Simenon belge ». Une bourde porteuse toutefois d’une référence qui ne manque pas de pertinence.La maison des veilles, paru en 1939, et à nouveau réédité aujourd’hui dans la collection « Espace Nord », tourne autour d’un double crime que l’auteur installe dans le quartier bruxellois de la Porte de Namur. (Ce dont, à l’époque, les habitants du cru se sont émus au nom de l’honorabilité des lieux, oublieux d’un récent assassinat, bien réel celui-là, ou encore du crime fameux – et crapuleux – « de la…