Robert Frickx

PRÉSENTATION


Robert Frickx naît le 21 janvier 1927, à Molenbeek-Saint-Jean dans une famille d'enseignants. Après des humanités gréco-latines au cours desquelles il commence à écrire et à dessiner, il fréquente, dès la fin de la guerre, les milieux littéraires où il publie ses textes sous le pseudonyme de Robert Montal dont il signera désormais ses poèmes, romans, nouvelles et récits, réservant son patronyme à la signature de ses essais. Dualité dont ses collègues se souviendront en lui offrant pour son éméritat, un volume de mélanges publié par Janus, à Cologne. En 1949, Robert Frickx achève ses études de philologie romane. Un an plus tard, il est professeur à l'Athénée Robert Catteau, à Bruxelles, qu'il ne quittera définitivement qu'en 1971. Entre-temps, en 1960, il devient docteur grâce à une thèse consacrée à René Ghil. Du Symbolisme à la poésie cosmique (1962). Dès 1969, il est chargé de cours à la Vrije Universiteit Brussel. En 1971, il y obtient une charge complète et y enseigne la littérature française des XIXe et XXe siècles. Outre des cours de vacances à l'Université libre de Bruxelles, il conservera ces fonctions jusqu'au temps de sa retraite.

Durant toute sa carrière, Frickx-Montal va déployer une intense activité littéraire et scientifique et publier une quarantaine de livres.

Il semble avoir gommé quelques titres de ses débuts : des poèmes, des contes (Les Mains du fleuve, 1946), un roman qu'il a illustré (Le Passage sans importance, 1947), des nouvelles (Le Moindre Mal, 1951). Cela date de l'époque où, avec quelques amis, il anime un cabaret littéraire et aime se muer en chansonnier.

Montal débute vraiment en poésie avec Chansons des jours inquiets (1948) où on retrouve des influences de Baudelaire, Nerval, Apollinaire, Rimbaud. Une mystique de l'adolescence s'y mêle au rythme de vers bien frappés, au ton parfois sautillant de la chanson. On y décèle aussi un souci d'angélisme, un désir d'évasion et, surtout, une prise de conscience, par-delà les beautés perçues, de la fragilité et de la tragédie du monde. Poèmes du temps et de la mort (1959), Patience de l'été (1965), Un royaume en Brabant (1969), Topiques (1978) et L'Orme tremblé (1994) constituent l'essentiel de l'œuvre poétique de Montal. Poésie somptueuse qui déploie une texture frémissante pour préciser l'angoisse de l'homme devant la fuite inexorable du temps et les jeux habituels soudain désenchantés, pour suivre aussi d'autres pistes : l'amour, les souvenirs et les beautés prégnantes du Brabant traduites par d'allusives références à la tendresse et à la sagesse des paysages aimés. À travers tous ces recueils, on constate une lente mutation des thèmes, un glissement d'une fluidité idéelle, sous-tendue par une subtile musicalité, vers des tonalités intérieures, des condensations de plus en plus poussées du langage permettant une approche secrète des mystères.

L'œuvre en prose de Montal est importante. Récits, romans, nouvelles, théâtre (une pièce en un acte, L'Invitation date de 1975) se partagent une dizaine de titres. Ces œuvres sont souvent nourries de féerie mêlée à un réalisme magique, voire mythique, et au fantastique. La Boîte à musique (1950) est un roman empreint de la poésie de l'enfance et d'une grande pureté d'âme tandis qu'Une mesure pour rien (1994), d'une élaboration très moderne (avec flash-back et tranches imaginaires), est une œuvre construite à la façon d'un roman policier, évoquant la fin tragique d'un jeune Belge, en mai 1940, lors de son évacuation dans une villette de France. Entre ces deux livres, d'autres titres paraissent : La Traque (1970), un roman réaliste dont le personnage est un adolescent attardé, un homme égocentrique, solitaire, rêveur, méprisant les réalités, craignant la foule, les femmes et l'avenir, qui connaît une liaison orageuse avec un laideron; La Courte Paille (1974), quinze nouvelles où l'on passe du réalisme au fantastique, de la satire sociale à l'humour; Le Bon Sommeil (1980), où un avocat-romancier conte la vie de son ami, professeur complexé, poussé à bout par ses élèves et qui finit par tirer des coups de feu en direction des potaches.

Cet intérêt pour la prose, Robert Montal en témoignera en devenant l'animateur du Groupe du roman qui rassemble une dizaine d'auteurs, publie chaque année un volume de nouvelles inédites ou traduites et mène des enquêtes relatives à l'écriture.

À côté de ses œuvres purement littéraires, Robert Frickx a produit une abondante moisson d'ouvrages plus scientifiques, d'essais consacrés à ses écrivains de prédilection ou à la littérature française de Belgique. Se souvenant d'avoir étudié Gérard de Nerval pour son mémoire de fin d'études universitaires, il consacre un livre à Sylvie (1967), un autre à une Suite nervalienne (1987), ce dernier s'intéressant à l'attitude de son modèle devant l'amour et la franc-maçonnerie. Rimbaud est aussi un leitmotiv de l'exégète. Au jeune Arthur, il consacre un ouvrage en 1954 et une analyse plus complète en 1968. D'autres études sont vouées encore à Lautréamont (1973), à Ionesco (1974). Dans Franz Hellens ou le Temps dépassé, publié par l'Académie en 1992, il analyse l'œuvre de l'écrivain, dévoile sa personnalité et dissèque son art avec beaucoup de perspicacité. La littérature française de Belgique a toujours intéressé Robert Frickx. Seul ou en collaboration, il l'a étudiée dans plusieurs essais de synthèse, notamment dans Lettres françaises de Belgique, un dictionnaire des œuvres en quatre volumes publiés de 1981 à 1990. Il en a été un des maîtres d'œuvre avec Raymond Trousson.

Pour cette œuvre abondante et variée, Robert Frickx-Montal a reçu bien des prix : ceux de la province de Brabant et de la ville de Bruxelles, les prix Hubert Krains, Gilles Nélod, Sander Pierron et Félix Denayer (ces deux derniers décernés par l'Académie). Il meurt le 6 février 1998. Il avait été élu à l'Académie, au titre philologique, le 12 juin 1993 à la succession de Joseph Hanse.