Qu’en sera-t-il du monde de demain ? Ce recueil de nouvelles de Kenan Gorgün, dont on connaît les préoccupations sociétales et politiques, dresse un état des lieux des dangers qui menacent l’humanité, entendue non pas comme l’ensemble des hommes, mais comme ce qui est au fondement même de l’individu.Des attitudes et des comportements banals aujourd’hui peuvent dériver si l’on n’y prend pas garde. Par exemple, la communication, « denrée la plus précieuse de notre ère », ne risque-t-elle pas de devenir une marchandise comme une autre, réservée dès lors aux plus riches ? Et comme « ce réseau mondial avait fini par se substituer au monde réel », la majorité des hommes fut littéralement réduite au silence. Chaque nouvelle présente des situations d’après,…
L’on sait que Kenan Görgün est un observateur fin et particulièrement bien documenté des phénomènes sociaux, entre autres en Belgique. Une société dont les marges et le risque que celles-ci font peser sur le vivre ensemble le questionne. Plusieurs de ses textes antérieurs ont ce que l’on pourrait nommer une valeur prospective. L’auteur extrapole à partir des situations sociales qu’il perçoit et il imagine une évolution vers un futur possible, non sans une inquiète lucidité. Le second disciple, son nouveau roman, est à nouveau un bel exemple de sa volonté de faire comprendre, par le biais d’une fiction efficacement menée, des phénomènes mal perçus, si pas franchement caricaturés.L’histoire se déroule à Bruxelles, après les attentats qui ont profondément…
Quelle excellente nouvelle que cette réédition dans la collection patrimoniale Espace Nord d’Anatolia Rhapsody de Kenan Görgün !Cela fait maintenant six bonnes années que ce livre est sorti aux éditions Vents d’ailleurs et il a tout de suite laissé entendre une voix forte et singulière, celle de l’écrivain qui raconte et prend en charge la geste des autres, de ses parents, de ses concitoyens, celle de l’immigration turque en Belgique en 1964.C’est après la tragédie du Bois du Cazier en 1956, où 262 mineurs ont trouvé la mort, principalement des travailleurs italiens arrivés à la rescousse de la reconstruction de la Belgique de l’après-guerre et dans le cadre de la Bataille du charbon (1948), que cette nouvelle immigration est née. La Catastrophe du Cazier mit fin…
Créée au Centre culturel de Dison l’automne dernier, la pièce J’habite un pays fantôme de l’écrivain belge d’origine turque Kenan Görgün, né à Gand en 1977, met en scène deux frères, Kenan et Othmane.Le premier est un auteur qui se cherche, mais espère trouver « de quel fil se tricote notre identité » et démontrer comment ce qui est fait peut être défait et refait à l’infini. Il prétend dominer le second, à ses yeux un gentil pantin qu’il aurait inventé pour l’écouter penser.Si Othmane, pétri de respect pour ses racines, la figure du père, la tradition, déroule avec ferveur le Tapis de l’Histoire, où sont inscrites les dates des grands événements du passé, Kenan n’en a cure.Pour lui une chose est sacrée, sa machine à écrire, qu’il appelle…
Delia on my mind est un roman en huit « pulsations », encadrées par des rêves, et semé de poèmes. Mais Delia on my mind est-il vraiment un roman ? N’est-ce pas, très concrètement, le reflet typographique d’une danse haletante ? N’est-ce pas l’avatar chapitré d’un chant, tour à tour prière mystique, hurlement hard-rock, romance délicate ?
Je ne me risquerai pas à répondre à cette question de manière trop catégorique. Le roman n’est pas une forme. On en fait ce qu’on veut. Et Kenan Görgün est un auteur bien décidé à ne pas se laisser enfermer dans des cases. Son livre s’ouvre et se referme sur des rêves de loups. Les loups se cherchent les uns les autres, parce qu’ils ne peuvent danser seuls. C’est un des enjeux de Delia on my mind, une…
Kenan GÖRGÜN, Oublie que je t’ai tuée, Atalante, 2024, 288 p., 19,90 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 9791036001802Le jury du prix Le Point du Polar européen 2024 a annoncé sa sélection composée de 8 titres. Le nouveau roman de Kenan Görgün, Oublie que je t’ai tuée, en fait partie. Le lauréat sera annoncé le 3 avril prochain. En attendant, on croise les doigts..Voilà donc un roman inattendu dans le fil des publications de Kenan Görgün, roman qui est, semble-t-il, le début d’une suite à paraître chez le même éditeur. La punchline du titre pourrait se traduire par une belle ambiguïté mortifère à l’image de tout le roman où ce sont les statuts des personnages, leur estime de soi, la puissance et le pouvoir de l’un sur l’autre…
Avec Le Second Disciple, Kenan Görgün explore la part sombre de Bruxelles. Personnage à part entière dans ce thriller psychologique, la ville se dévoile sous un angle angoissant.
Deux personnages principaux portent le récit. D’un côté, Abu Brahim, jeune bruxellois radicalisé. Il était l’un des cerveaux du terrible « attentat de la Grand Place ». Unique commanditaire à avoir été arrêté, on le retrouve à sa sortie de prison, sa liberté limitée par un bracelet électronique et par sa propre conscience.
De l’autre côté, on découvre Xavier Brulein, militaire bruxellois qui, à cause d’une bagarre dans un bar, s’est retrouvé en prison. C’est là qu’il a rencontré Abu Brahim et s’est converti. Reprenant l’un des noms du Prophète de l’Islam,…
Réédité dans la collection Espace Nord cette année, Anatolia Rhapsody (2014) est un roman essai fort et exigeant qui (ré)explore et (re)questionne les problèmes identitaires, culturels et socio-économiques liés à l’immigration turque.
« Bir varmis, bir yokmus » ou « il était une fois, puis il n’était plus », ainsi commence le drame de l’exil selon Kenan Görgün. Au moyen du genre du roman essai ou de la « rhapsodie »1, genre « hybride » comme le rappelle Pierre Piret dans la postface de cette nouvelle édition, l’auteur belgo-turc présente son identité comme une mosaïque incomplète, une énigme qu’il ne prétend pas pouvoir résoudre2. Sa rhapsodie emprunte la voix de la collectivité dans une rhétorique qui vise le rassemblement du soi et de l’autre,…