Jeanine Moulin   1912 - 1998

PRÉSENTATION
Je naquis sous le Bélier.Jeanine naît à Bruxelles le 10 avril 1912. Enfance heureuse entre des parents aimés et aimants, actifs, intelligents et cultivés. Beauté des tableaux, des objets, de la musique. Délices de la lecture :Ouvre le livre aux cent mirages,Des valets y matent des rois.Les sortilèges n'ont pas d'âge.Vie harmonieuse dont l'écrivain ressuscitera le charme dans La salle à manger, une magie de la mémoire, le récit qui clôt son dernier livre. Dans la salle à manger familiale, les invités des parents s'appellent Franz Hellens, André Baillon et Germaine Lievens; ce sont les peintres Schirren et Van de Woestijne, l'écrivain autrichien Joseph Roth, le romancier russe Eugène Zamiatine et Fernand Crommelynck, au visage de conquérant persifleur.Étudiante en philologie romane à l'Université libre de Bruxelles, Jeanine y a pour maître de stage Emilie Noulet, femme enthousiaste et excellent professeur. Elle consacre son mémoire de licence aux Chimères de Gérard de Nerval. Deux ans plus tard - en 1937 - cette exégèse est publiée par Les Cahiers du Journal des Poètes qui lui ont décerné leur Prix des Essais.Ainsi débute brillamment la carrière littéraire de celle qui désormais s'appelle Jeanine Moulin. Elle vient, en effet, d'épouser Léo Moulin, un jeune professeur de six ans son aîné. L'avenir s'annonce riche de promesses pour le couple, promesses que le temps confirmera. Historien de la vie religieuse, sociologue des pratiques alimentaires, le professeur Léo Moulin est aujourd'hui l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont le dernier s'intitule Les liturgies de la table. Une histoire culturelle du manger et du boire (1988).En janvier 1939, dans Le Temps (quotidien parisien dont l'équivalent actuel est Le Monde), Emile Henriot consacre un très long article aux Chimères de Gérard de Nerval dont il célèbre les mérites et qu'il qualifie d' "essai lumineux". Consécration française après celle de Bruxelles. Peu après, paraît le deuxième ouvrage critique de Jeanine : Manuel poétique d'Apollinaire. Ces deux études seront reprises, approfondies, enrichies et publiées, l'une et l'autre, dans leur forme nouvelle, aux éditions E. Droz de Genève, où le Nerval est, aujourd'hui encore, régulièrement réédité.Viennent ensuite huit ans de silence. Années sombres de la guerre mais aussi bonheur de la maternité :Mon grain semé au soleil (...)Marc, fils de Léo et de Jeanine Moulin naît en 1942.Comment s'étonner de voir, qu'à son tour, il se tournera vers les arts? Le dessin d'abord; la musique, ensuite et surtout : Gammes. Leurs bulles franchissent avec légèreté les degrés de la journée.Initié au jazz par son père et Robert Goffin, Marc Moulin deviendra célèbre par ses émissions à la radio et les groupes musicaux qu'il dirigera. C'est aux enfants de Marc - Denis et Corinne - que Jeanine dédiera son Voyage au pays bleu, recueil de contes écrits pour eux.En 1947, dix ans après son premier livre, Jeanine Moulin publie ses premiers poèmes, Jeux et Tourments, un recueil avec lequel elle a pris aujourd'hui ses distances.Ensuite, tous les deux ou trois ans, un nouvel ouvrage paraît. Etudes critiques, anthologies commentées de poésie féminine et recueils de poèmes se succèdent. Patient travail de recherche, analyse subtile et profonde de l'autre alternent avec l'expression de soi et le chant poétique.Écrivain mais aussi femme d'affaires - elle a dirigé pendant des années l'entreprise de chauffage qu'avaient fondée ses parents - Jeanine Moulin mène depuis toujours une vie particulièrement active. Des voyages, dont certains ont marqué sa poésie de leur empreinte : Le Japon, "rose des vents contraires", New York et "les étés trop lourds de Manhattan" et le Mexique "aux cieux de cannelle", avec les "façades ridées de chiffres" d'Uxmal oùon se nourrit toujours de graminées et de piments,tandis que le dieu veille sous son casque vivant.Une participation constructive à la vie littéraire, tant en France que chez nous, comme membre de jurys renommés, la présidence des Midis de la Poésie, la collaboration à des expositions et à des colloques littéraires : que de dynamisme et d'efficacité!En 1977, Jeanine Moulin devient membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises. Elle y succède à Lucien Christophe. Le discours de réception que lui adresse Jean Tordeur est un modèle de style où rivalisent finesse d'analyse et chaleur de ton. "Chercheuse infatigable, intuitive autant que méticuleuse", dit-il de Jeanine Moulin. Mais c'est à elle que nous laisserons le soin de conclure cette biographie :Qui dira oui-da à la vie (...)?Moi, morbleu! Ça me turlupine,l'envie de tout recommencer!Jeanine Moulin est décédée le 18 novembre 1998.