Il y a des hommes-chemins, des hommes-labyrinthes. Pour eux, le sens n’est pas donné une fois pour toutes mais se découvre, se dessine, au fur et à mesure de l’exploration qu’on fait de soi-même, dans la tentative sans cesse renouvelée de faire correspondre toujours un peu mieux la conscience et la vie. Tel apparait Henry Bauchau dans le portrait que nous livre de lui Myriam Watthee-Delmotte, à l’occasion de la sortie, chez Labor, de Soleils levants sur Vienne[1].
Né en 1913, Henry Bauchau a vécu tant sa prime enfance que son bel âge sous la menace dévoratrice du monstre de la guerre. La violence marque aussi ses débuts littéraires. Ses premiers poèmes, rassemblés dans le recueil Géologie (1958), sont des « Chants de fer » ;…
Temps du rêve est, à double titre, une œuvre de jeunesse, voire de genèse. D’une part, parce que Henry Bauchau l’a commise en 1933, pendant sa conscription, et publiée en 1936 sous le pseudonyme de Jean Remoire. Il entamait alors la vingtaine de sa dense et longue existence. D’autre part, parce que Bauchau ancre son récit à la charnière de l’enfance et de l’adolescence ; une zone ante où plongent les racines de l’âge adulte. Ce « temps du rêve » fait subtilement écho à celui que les Aborigènes d’Australie nomment tjukurrpa : une ère métaphysique précédant la création de la Terre, à laquelle l’on peut se reconnecter spirituellement pour appréhender le réel et en décrypter les signes…Au début du siècle passé, à une époque où les machines de…
Stendhal, Vigny, Gide, Claudel, Anaïs Nin, Kafka, Jünger…. en fonction des diaristes, le genre littéraire du journal dit intime recouvre une multitude de fonctions, de visages, de convocations du lecteur. Confession ou laboratoire littéraire en marge de l’œuvre, chronique des événements intérieurs ou/et extérieurs ou mémoires d’une vie, le Journal se présente comme un espace où l’œuvre de l’écrivain se cherche, se questionne au fil d’une mise en résonance avec les faits autobiographiques et les remous de l’Histoire. À rebours de la chronologie, avec Conversation avec le torrent. Journal (1954-1959), s’achève l’édition des trois mille pages du Journal d’Henry Bauchau entreprise par Actes Sud : la première pièce de l’édifice d’un Journal qui couvrira…
La fréquentation d’un journal intime constitue toujours une expérience particulière. En effet, le lecteur découvre, sans solution de continuité, le contenu événementiel d’une temporalité vécue par le diariste, alors que ce dernier, au moment de la rédaction, aura éprouvé tout différemment la dilatation des heures et des jours. Ce décalage, chronologique et qualitatif, est d’autant plus troublant quand on a affaire à un personnage de la stature d’Henry Bauchau.L’exceptionnelle longévité de Bauchau, qui mourut à quelques encablures de son centenaire, le fait voisiner avec ces quelques figures éminentes – les Gracq, Blanchot ou Jünger – qui flottent en esprits au-dessus du siècle dont ils ont traversé la tourmente et que la mort semble avoir négligé d’appeler…