La nouvelle, à côté des autres genres littéraires que sont le roman ou la poésie, n’a jamais occupé une position centrale dans l’histoire des lettres. Rares sont les maisons d’édition qui lui consacrent une place de choix dans leur catalogue, à l’exception notable d’une seule, en Belgique francophone. Pourtant, le genre est fascinant et produit souvent d’excellents textes.C’est encore le cas avec le recueil de Anne-Michèle Hamesse intitulé Ma voisine a hurlé toute la nuit paru aux éditions Cactus Inébranlable. Annonçons la couleur d’emblée : ce livre est remarquable. A tous points de vue, il s’agit d’une formidable rencontre entre, d’une part, une maison d’édition singulière (qui n’accepte que les textes piquants, audacieux, voire carrément irrévérencieux…)…
Comme il existe une littérature réaliste, naturaliste, symboliste, une littérature impressionniste me semble se dégager en ces temps de mêlements des genres littéraires et plus précisément de la prose et de que l’on appelle la poésie.Anne-Michèle Hamesse a d’abord été peintre (élève d’Arié Mandelbaum) puis est passée à la littérature. Mais cesse-t-on jamais d’être peintre, d’exercer son regard, non pas pour dépeindre ce que l’on voit, mais pour saisir la lumière entre les couleurs, faire surgir de l’artiste les choses entrevues et que la nature lui renvoie dans sa flottante imprévisibilité des formes ?L’auteure a publié une dizaine de romans, des poèmes, des récits, des contes et, à chaque fois, une part de cette invisibilité…
Anne-Michèle HAMESSE, Le neuvième orgasme est toujours le meilleur, Cactus Inébranlable, 2019, 149 p., 15€, ISBN : 978-2-930659-70-1
Au bord d’un « canal tordu étroit et noir, bourré d’anguilles qui serpente tout au long d’une plaine où souffle le vent du Nord », entre Furnes et Saint-Idesbald, le long du Zwaantje, vit Mira Zabat. Au bord de ces eaux vaseuses du platteland, entourée de ses chats, sous l’escorte de ses perroquets-souris et aux aguets des bergers malinois du voisin, la « demeurée » demeure. Seule, ses oiseaux chéris comme aiguillon, elle enfourche son vélo pour arpenter les berges, dans de petites épopées météorologiques de l’âme. En quelques coups de pédale, elle rejoint un cortège de fantômes lors de la procession des Pénitents, ses morts défilent, ses disparus ressurgissent encore jusqu’à frapper à sa porte.Moi aussi, comme les gens de mon pays, j’ai du mal à m’exprimer.…